Nul doute que l’augmentation du nombre de salons de coiffure en difficulté fera partie des dossiers incontournables de la rentrée pour le secteur. Cet été, il était d’ailleurs difficile d’éviter le sujet : début août, à la suite d’une dépêche de l’AFP sur les derniers chiffres d’Altares, diffusés un mois plus tôt, la presse généraliste a multiplié les articles catastrophistes sur les coiffeurs.
Peu à peu, un tableau apocalyptique de la coiffure apparaissait aux rares lecteurs de la presse estivale : des salons croulant sous les factures, des chiffre d’affaires s’effondrant de 25% depuis le début de l’année, voire une «débâcle» pour la profession, selon Le Figaro… Bigre !
Ces chiffres, quels sont-ils ? Entre avril et juin, la coiffure a compté 282 procédures collectives (liquidation, redressement, sauvegarde), soit une accélération qui peut sembler spectaculaire (+46,9% par rapport à la même période en 2022), selon le cabinet Altares, alors que le parc total des salons, rappelons-le, s’élève, en France, à plus de 100 000 établissements aujourd’hui, contre à peine 90 000 en 2015.
Trop d’établissements de coiffure ?
Pour l’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec), il s’agit donc d’une forme de «régulation» du secteur. «Depuis le Covid, il y a un grand nombre d’établissements de coiffure qui se sont créés, mais peut-être qu’il y en a trop», expliquait à l’AFP Christophe Doré, son président, au début du mois.
À eux seuls, les coiffeurs à domicile représentent désormais près de 30% des établissements ayant un code d’activité coiffure. «Il y a eu énormément de salons d’auto-entrepreneurs qui se sont installés post-Covid – c’est le Covid qui a déclenché tout ça. Et certains sont en train de fermer, parce qu’ils se rendent compte que leur plan économique ne tient pas la route», estime, pour sa part, Jean-Yves Scotto di Cesare, le président de l’Unec Bretagne, interrogé la semaine dernière par la radio bretonne Hit West.
Régulation, donc. Mais pas seulement parmi les micro-entrepreneurs. Franck François, le président du groupe Vog, va plus loin. «Des fermetures yes, mais surtout 80% de salons où il n’y a aucun employé, ni apprenti. Ce genre d’affaires ne peut pas continuer, ce n’est pas vivable ! Pas plus que les coiffeurs à domicile ou les free-lance. Obligeons ces coiffeurs à passer au paiement par carte Bleue et ce sera l’hécatombe !», affirme-t-il dans un post sur sa page Linkedin.
Le coiffeur coloriste a même sorti sa calculette. Et son constat ne manquera pas de faire grincer des dents : «La moyenne des chiffres d’affaires France en coiffure est de 86 000 euros annuels, soit 7 100 euros par mois. Avec un tel chiffre, il ne reste rien que des dettes».
Concurrence déloyale des « barber shops »
Régulation, d’accord, mais la crise sanitaire est aussi passée par là. D’abord, le remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE). «Quand il a fallu commencer à rembourser, on a assisté de nouveau à de nombreuses faillites», constatait Julie Pruja, présidente des coiffeurs d’Occitanie et des Pyrénées-Orientales, début juillet.
L’autre défi qui attend les salons, ce sont les changements d’habitudes de la clientèle. Si l’inflation pousse les Français à faire des arbitrages, notamment en faveur du low-cost, certains clients ne sont jamais revenus après le Covid, alors que les salons doivent déjà composer avec un espacement des visites depuis plus d’une dizaine d’années.
Une nouvelle forme de concurrence en profite, notamment les barber shops, qui surgissent un peu partout en France. «La problématique de ces salons, c’est du travail clandestin, des gens sous payés, des travailleurs étrangers sans papier – et c’est ce qu’on appelle les salons barber, qui sont tous à 10 – 12 euros…», déplore le président de l’Unec Bretagne.
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Une situation délicate à gérer pour les petits établissements, qui doivent par ailleurs faire face à l’inflation et à un renchérissement du coût de l’énergie. «Quelque chose de très positif, mais qui engendre une baisse de trésorerie, c’est l’augmentation des salaires chez nous : deux augmentations en deux ans. Fatalement, il faut pouvoir les amortir», s’interroge Jean-Yves Scotto di Cesare.
Reste alors l’autre grand dossier de la rentrée : les tarifs des coiffeurs. Le sujet revient régulièrement, mais, cette fois, le secteur estime qu’il ne peut plus faire exception, alors que la hausse générale des prix touche depuis longtemps celui des services. «De toute façon, il faudra augmenter entre 5 et 10%, sinon on n’y arrivera pas», tranche le patron des coiffeurs bretons.
Le métier reste toujours attractif
En attendant, la fin de la canicule aidant, la presse généraliste change ses angles d’attaque. Interrogée par un journal local, Eloïse Guillet, responsable de l’unité pédagogique soins à la personne, à l’Université régionale des métiers de l’artisanat de Vendée, fait observer que le métier reste toujours attractif auprès des jeunes. «On le ressent par l’augmentation de nos effectifs», assure-t-elle.
À Angers, les coiffeurs estiment qu’ils n’ont «pas à se plaindre», car les clients n’ont jamais vraiment boudé les salons. Nos confrères du journal Ouest-France le constatent à leurs dépens en essayant de les interviewer: «Très peu d’entre eux ont le temps de nous répondre. Vous pouvez repasser la semaine prochaine ?, nous répond-on »… Idem dans l’Orne, où «les coiffeurs enchaînent les coupes sans pause». Ainsi va l’actualité…