Les huiles essentielles de lavande vont-elles se retrouver classées dans la catégorie «produits chimiques» ? Rien n’est encore décidé, au niveau européen, mais les professionnels de la Drôme se mobilisent.
Depuis un mois, des panneaux «Lavandes en danger» ont été posés au bord des champs. Une pétition mise en ligne sur Change.org par l’Union des professionnels des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) a déjà reçu le soutien de près de 135 000 personnes… Mais que se passe-t-il donc dans ce département qui concentre, à lui seul, 2 000 producteurs de plantes et plus de 60 entreprises tournées vers la cosmétique, la parfumerie et l’aromathérapie ?
«Personne n’achètera un parfum avec écrit : ‘Ce produit est dangereux’ ou une tête de mort dessus», s’alarme Alain Aubanel, président du syndicat des Plantes à parfum, aromatiques et médicinales de France et producteur de lavandes dans le Vercors. Comme lui, les producteurs provençaux crient au loup et tentent de mobiliser élus et opinion publique.
À l’origine de cette levée de boucliers, la révision du règlement Reach. Depuis 2007, les huiles essentielles sont soumises à ce règlement qui vise à protéger la santé et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques. En octobre 2020, l’Union européenne a décidé de donner un nouveau tour de vis pour favoriser «un environnement exempt de substances toxiques», c’est-à-dire plus protecteur des consommateurs vis-à-vis des produits chimiques.
Louable intention, sauf que, pour les producteurs de lavande, on n’évalue pas les huiles essentielles et les produits chimiques de la même manière. «Ils veulent que toutes les molécules soient analysées avant d’être mises sur le marché pour vérifier qu’elle ne sont pas allergènes, cancérigènes, ou qu’elles ne sont pas des perturbateurs endocriniens. Mais le problème, c’est qu’ils réfléchissent molécule par molécule, alors que dans les huiles essentielles de lavande par exemple, il y a plus de 600 molécules !», explique Alain Aubanel à France Bleu.
Le pire des scénarios serait de voir les huiles essentielles de lavande soumises à des restrictions, «parce qu’elles contiennent des sensibilisants cutanés, ce qui reviendrait, de fait, à bannir leur usage par de nombreux fabricants qui feront jouer le principe de précaution», déclare au JDD Philippe Soguel, propriétaire de la Distillerie Bleu Provence, à Nyons, dans le sud de la Drôme.
La décision ne sera pas prise avant 2025
Autre crainte : le volume de production à partir duquel un distillateur est obligé de déposer un dossier d’enregistrement Reach, de 1 tonne aujourd’hui, pourrait être abaissé à 1 kilo, détaille le Journal du Dimanche. Une procédure qui coûterait, à chaque fois, plusieurs dizaines de milliers d’euros, et qui condamnerait les plus petites distilleries.
Du côté de Bruxelles, on tempère. Le projet de législation n’a pas encore été présenté. «Et il n’est pas prévu qu’on interdise l’huile essentielle de lavande, de thym ou de romarin», s’étonne Franck Arrii, du service presse de la Représentation de la Commission européenne en France, cité par Ouest-France.
De plus, la proposition de loi devra ensuite être discutée par le Parlement européen et le Conseil qui réunit les 27 Etats membres, ce qui reporterait la décision finale à 2025. Franck Arrii ajoute que tous les acteurs seront largement consultés auparavant. Pas sûr que les producteurs soient convaincus, si le cadre réglementaire, conçu pour les produits chimiques de synthèse, reste le même pour les produits naturels…