Comment faire carrière dans le massage ? Profession bien-être a posé la question à Christophe Marchesseau, militant infatigable de l’art du toucher, dont le parcours professionnel a de quoi inspirer tout débutant passionné.
Profession bien-être : Vous pratiquez en tant que masseur de bien-être. Pourtant, vous avez fait des études de kinésithérapie. Qu’est-ce qui a changé ?
Christophe Marchesseau : N’oubliez pas que ce diplôme d’Etat porte la mention masseur-kinésithérapeute ? Ce n’est pas parce qu’une majorité de kinés se sont consacrés au côté biomécanique du corps et privilégient les machines qu’il faut laisser tomber le côté toucher ! En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de rencontrer, dès la fin de mes études, Dominique Renaud, l’un des pionniers de l’ostéopathie.
À l’époque, on ne considérait pas les ostéopathes comme des paramédicaux, mais plutôt comme des rebouteux ! La discipline s’est développée en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, les ostéopathes sont plutôt considérés comme des chiropracteurs et travaillent en étroite collaboration avec le milieu médical. Quand j’ai rencontré Dominique Renaud, il m’a d’abord regardé masser. Et son commentaire n’a pas été tendre : «C’est du repassage !», m’a-t-il déclaré froidement. Cela ne m’a pas fait plaisir. Mais, à son contact, j’ai découvert que le toucher allait bien au-delà du contact physique.
Vous étiez pourtant déjà très orienté sur le massage ?
Oui. Pendant mes études, je n’ai pas cessé de masser. J’ai travaillé comme saisonnier, sur les plages à Saint-Tropez, et, l’hiver, dans des stations comme Courchevel ou Megève. C’était un bon entrainement, même si je faisais du «repassage» ! C’est un métier où il faut beaucoup pratiquer. Et c’est en travaillant sa posture que l’on apprend à ménager son propre corps. Curieusement, un bon masseur c’est d’abord quelqu’un qui apprend à se soigner avant de prendre soin des autres.
Vous êtes ensuite parti en Asie ?
Je suis allé étudier le massage thaï en Thaïlande. Là, j’ai pu mesurer la différence entre l’Occident et l’Asie. Les Occidentaux venaient pour obtenir un diplôme, mais la méthode d’enseignement avait de quoi les rebuter : le matin était consacré à la prière et à la méditation et l’après-midi, aux exercices pratiques.
Les élèves se décourageaient vite : de 20 le premier jour, ils passaient à 10 le quatrième ! Et pourtant la méthode avait du bon. Après plusieurs heures de prière, même si vous ne parliez pas la langue, l’énergie spirituelle dégagée vous donnait une impulsion nouvelle pour masser, avec de bien meilleurs résultats. En fait, il s’agissait non plus de penser, mais de ressentir.
Rentré en Europe, vous avez commencé à travailler dans les spas ?
C’est-ce qui m’a paru le plus facile. J’ai travaillé dans les premiers spas hôteliers qui se sont ouverts à Paris : l’hôtel Costes, le George V, le Bristol… À l’époque, le spa est apparu en même temps que l’appellation «palace» et la réforme des étoiles. Les hôtels de luxe voulaient tous un spa. Ils ont donc investi dans des endroits luxueux, en consacrant l’essentiel de leur budget à la décoration.
Du coup, la formation des praticiens était considérée comme négligeable. Moins de 3% de leur budget passait dans la formation, et les masseurs étaient payés une misère, tout en enchainant six ou sept massages à la suite. Heureusement, la situation semble avoir changé. Et c’est tant mieux, car le plus beau décor du monde ne rattrapera jamais l’effet d’un mauvais massage !
Ce travail en palace a-t-il été profitable ?
Il m’a permis de me créer une clientèle internationale comme, par exemple, le président du groupe Estée Lauder, qui m’a fait venir plus tard à New York. Arrivé sur place, j’ai vu ces clients occasionnels m’ouvrir leur carnet d’adresses de célébrités et me permettre de travailler. Mon aventure américaine s’est terminée le 11 septembre. J’ai toujours été un peu nomade et là, les services de l’immigration ont été beaucoup plus restrictifs.
Sur les conseils d’une amie, je suis parti à Saint-Barthélemy pour faire une pause. Et je suis tombé amoureux de l’île ! J’ai eu la bonne surprise d’y retrouver une partie de ma clientèle internationale. J’ai donc pu travailler en ouvrant un petit local, et j’ai passé deux ans à me ré-oxygéner et me reconnecter à la nature.
Un parcours professionnel peu courant ! Que conseilleriez-vous à un jeune masseur qui rêve de se lancer ?
D’abord, une remarque : ce n’est pas un métier qui permet de devenir milliardaire. Mais c’est un métier de passion qui permet de gagner sa vie rapidement et partout. Et vivre de sa passion, c’est déjà un luxe ! Il faut au départ une solide formation et au moins un titre RNCP. Il est d’ailleurs réconfortant de noter qu’il existe maintenant un titre comportant enfin le mot massage : praticien de massage bien-être.
Enfin, il faut beaucoup pratiquer. Là, rien de mieux que le travail en hôtel, en spa ou sur une plateforme de soins à domicile. C’est fatigant et prenant, mais cela reste le meilleur moyen d’acquérir à la fois de l’expérience et une clientèle. Personnellement, je recommande aussi de voyager, de découvrir de nouvelles techniques.
Bref, de rester curieux ! Car le massage n’est pas un métier où l’on effectue des horaires de fonctionnaire. C’est même un très joli métier, à condition toutefois de ne pas se prendre pour un gourou ou un guérisseur. Le masseur est avant tout un «passeur» de message, qui fait découvrir au massé son potentiel d’auto-guérison.
Vous croyez donc à la « démocratisation » du massage ?
J’en suis persuadé ! Le marché du massage n’en est encore qu’à ses balbutiements. Au-delà de la relaxation, le massage est un accompagnement. Si, en Asie, le toucher ne pose aucun problème, la France est encore très en retard. Et nous subissons encore le poids du tout médical. Il reste à donner ses lettres de noblesse à la discipline. Cela passera sans doute par la création d’un diplôme d’Etat de masseur. Mais la demande est clairement présente.
Propos recueillis par Siska von Saxenburg.