De la matière grise, la coiffure n’en manque décidément pas. Le numérique est en train de faire surgir de nouveaux talents dans le secteur, à l’image de Fabrice Sely, fondateur d’Escobe, une application destinée à répondre aux problèmes de recrutements.
Profession bien-être : Que signifie le nom de votre société « EsCoBe » ?
Fabrice Sely : C’est la contraction de trois mots : esthétique, coiffure et bien-être. On attaque le secteur de la beauté dans sa globalité, car on s’est aperçu qu’on avait les mêmes problématiques de recrutement dans ces trois domaines.
Des problématiques que vous avez pu observer dans votre propre activité, la coiffure. Qu’est-ce qui a attiré votre attention ?
J’ai aujourd’hui 17 ans de métier, dont 12 ans à mon compte. J’ai donc vu passer beaucoup d’apprentis ou de salariés dans mon salon et j’en suis arrivé à la conclusion que ce turnover était dû à un manque de valorisation des coiffeurs, cantonnés aux seconds rôles, toujours derrière une enseigne, même s’ils faisaient du bon travail. Finalement, c’est toujours le salon qui prime et jamais l’humain qui est derrière. Quant à la créativité, on la bride souvent, pour des contraintes de timing à respecter…
Cela explique les problèmes de recrutement actuel ?
Tout est lié, je pense. Car la revalorisation n’est pas uniquement liée à la partie artistique ou humaine. Dans ces métiers, le salaire n’est pas très élevé, sans compter la pénibilité qui les entoure. En fait, on n’est jamais mis en avant. On l’a vu pendant cette crise. L’enthousiasme pour la coiffure a duré peu de temps. Après deux ou trois semaines, on nous oublie peu à peu.
Et puis, paradoxalement, ceux qui parlent de coiffure sur les réseaux sociaux, ce sont les instagrameurs. On y parle énormément de beauté, mais où sont les professionnels ? La plupart du temps, ce sont des influenceurs qui présentent des produits… Il faudrait pouvoir redonner la parole aux professionnels.
Quelle solution proposez-vous ?
On a créé un outil qui permet aux coiffeurs d’être mis en avant, grâce à un portfolio et un système de notation. Plus un professionnel travaille, mieux il sera noté, plus il sera visible et plus il aura de travail… C’est un cercle vertueux ! Masseurs, esthéticiennes et coiffeurs peuvent donc s’inscrire à notre plateforme en tant que freelance pour trouver des missions de renfort ou louer des espaces dans des instituts de beauté ou des salons de coiffure. Cela permet aux freelances de remplir les temps libres de leur agenda et, aux employeurs, de rentabiliser un espace perdu.
C’est un moyen, selon vous, de revaloriser ces métiers ?
Oui, car c’est toujours le même problème : tout le monde veut être patron mais ouvrir son propre salon, c’est compliqué : il faut de l’argent, trouver un lieu et se constituer un portefeuille de clients… Nous, on leur trouve un endroit et des clients ! En plus, on les accompagne sur les aspects juridiques, sur la santé, etc. On les met aussi en relation avec des marques, avec lesquelles on a déjà négocié des avantages.
Et puis, si un freelance peut gagner 7 000 euros par mois, je pense que l’image de son métier, aux yeux des autres, va changer. Ce secteur a toujours été associé aux mauvais élèves. Beaucoup de gens peu motivés ou peu passionnés choisissent de venir dans la coiffure, mais ils ne restent pas dans le métier. On veut montrer, au contraire, qu’on peut très bien en vivre. C’est notre but.
Concrètement, cela se traduit comment sur l’application ?
Tout se gère à partir d’un tableau de bord. Un dirigeant d’entreprise, après avoir créé sa fiche technique, va préciser les profils dont il a besoin. Par exemple, samedi, deux missions de renfort, un coloriste et un barbier… L’algorithme va alors le mettre en relation avec les professionnels les plus adaptés à ses besoins, son style de salon, etc.
Quel est son coût pour un professionnel ?
C’est un système d’abonnements : 49,90 euros par mois pour un employeur, ce qui lui donnera accès aux «escobers», et 19,90 euros par mois pour les freelances.
Comment comptez-vous vous développer ?
L’application sera téléchargeable à partir du 30 septembre en Ile-de-France. On passera d’abord par une phase de tests sur deux clusters, à Paris et à Chartes, dans la Cosmetic Valley, où nous sommes basés. Puis, si les résultats sont concluants, on fera une levée de fonds au cours de l’année prochaine.
Propos recueillis par Georges Margossian.