En 2022, l’année touristique avait commencé sous le signe de la reprise, avant que la crise énergétique, l’inflation et les incertitudes internationales n’assombrissent l’horizon. Mais pour Olivier Raulic, directeur général des Thermes marins de Saint-Malo, la thalassothérapie peut encore tirer son épingle du jeu.
Profession bien-être : Quel bilan tirez-vous de l’année écoulée pour vos activités ?
Olivier Raulic : L’année 2022 a été une très bonne année. Sur le plan touristique, on a bénéficié du recentrage des vacanciers sur la France, plus spécifiquement sur le Grand Ouest et la Bretagne. Dans la thalassothérapie, on est sorti de la période Covid avec une vraie demande, qui avait été frustrée durant deux ans en termes de santé préventive. Dans nos centres Aquatonic, on a vu revenir des gens qui souffraient de surpoids, de perte de tonus musculaire… On sent aussi un besoin de détente et de plaisir, qui s’est pleinement exprimé à la réouverture en 2021 et qui a continué à s’exprimer en 2022.
Comment voyez-vous les prochains mois ?
Je pense que les trois points que j’ai évoqués seront aussi valables sur la période qui s’ouvre. Les contextes géopolitique et économique favorisent sans doute un recentrage touristique sur la France et une demande de bien-être et de détente dans cette période sacrément inquiétante.
En octobre, la présidente de France Thalasso, Marie Pérez Siscar, mettait en garde contre la hausse des coûts énergétiques, qui pouvait mettre en péril la santé financière des établissements. Commet surmontez-vous cette crise ?
Ce n’est certes pas un point positif pour nous, mais on est très loin de l’impact que peuvent ressortir certaines industries en ce moment. Je dirais que la thalassothérapie ne consomme pas plus d’énergie qu’un hôtel, ce qui représente environ 3% du chiffre d’affaires en termes de dépenses énergétiques.
Cette crise va-t-elle remettre en question vos projets de rénovation ?
Non, pas du tout. C’est un effort constant chez nous, que nous faisons tous les ans. On a fait pas mal de choses en janvier 2022, la réception, le restaurant Le Cap Horn et toute une zone de soins au niveau de la thalasso. Cette année, on rénove le Bar La Passerelle. On repartira sur l’hôtel et les chambres en 2024.
Souffrez-vous de la pénurie de main d’oeuvre et de la crise des vocations qui frappent de nombreux secteurs en France ?
Comme tous les secteurs, on souffre de certaines difficultés sur le plan des recrutements. On a eu la chance, en sortie de Covid, de garder nos effectifs, parce qu’on est structuré sur des logiques de CDI en très grande majorité. Cela permet aux gens qui travaillent chez nous de s’installer, de fonder leur famille, de construire leur maison, etc.
Nous avons aussi mis en place l’Académie des Thermes, qui est un vrai outil de montée des compétences. Et puis, le caractère familial de notre entreprise fait qu’il y a une proximité et une attention à l’humain qui sont très développées chez nous. On est très présents dans nos exploitations, on travaille avec des responsables et des chefs de service qui ont, pour certains, plus de 20 ans de maison. Tout cela crée de la fidélisation dans nos équipes.
Les Thermes marins de Saint-Malo soufflent leur soixantième bougie en 2023. Qu’est-ce qui a changé depuis leur fondateur, le Dr Pierre Heger ?
Je dirais la dimension spa, la détente, le modelage et la sensorialité, qui sont apparus au fil des ans. On est passé d’une activité de soins purs à une activité de soins et de sensorialité. Je pense que la sensorialité a été un point important dans l’évolution de la thalassothérapie et à tous les points de vue : la décoration, tout ce qui entoure le soin, la prise en charge, le sonore, le visuel… Chez nous, durant ces 40 dernières années, il y a eu beaucoup d’innovations, que ce soit la création du parcours marin Aquatonic, le confort dans les soins, la technique, etc. Tout cela nous a permis de faire des choses qu’on ne faisait pas à l’époque, notamment en accentuant la composante bien-être.
Thalassos et spas ont encore des choses à faire ensemble ?
Bien sûr ! Aujourd’hui, les deux sont totalement imbriqués. Même s’il y a des clients qui vont s’orienter sur des soins uniquement marins, d’autres sur des soins spa, une majorité de gens naviguent entre les deux, en sachant que la majeure reste les soins à base d’eau de mer.
Le groupe Raulic, c’est d’abord un groupe familial de 850 salariés, que votre père, Serge, a racheté en 1981. Aujourd’hui, une nouvelle génération, la vôtre, arrive aux commandes. Quel regard portez-vous sur la thalassothérapie ? Peut-elle encore se renouveler, selon vous ?
On peut parfois pécher en ne regardant que la nouveauté, comme font souvent les médias, sans regarder le coeur du réacteur… Et le coeur du sujet en thalasso, c’est de l’immersion en eau de mer chaude. Car la thalasso, pour moi, se résume à trois éléments : de l’eau de mer, les algues et le climat marin. Ils n’ont jamais disparu et ils ne disparaîtront jamais, parce que c’est ce qui fait l’intérêt de la thalasso.
En 2017, nous avons réalisé une étude avec une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA). Elle a montré que la thalasso améliorait la durée du sommeil profond, la souplesse, le cognitif, la puissance… C’est ça le coeur du sujet ! Et il y a sans doute là différents approches que nous pouvons décliner dans les cures : le curatif, la rééducation, le post-traumatique ou encore la santé préventive, qui se développe, y compris sur des clientèles plus jeunes.
La prévention est devenue, plus que jamais, le cheval de bataille des centres de thalassothérapie. Vous proposez, de votre côté, un bilan de santé très high tech. C’est aussi l’avenir de la thalasso ?
On a un bilan nutrition-santé qui est assez poussé, c’est vrai. On a été assez précurseur sur l’obésité et la minceur, avec l’impédancemétrie, la calorimétrie… Pour autant, tout le high tech n’a pas forcément sa place dans nos établissements. La thalasso, ce sont d’abord des soins naturels.
Où en sont les ambitions internationales du groupe Raulic aujourd’hui ? Le concept de thalassothérapie à la française s’exporte-t-il ?
Il faut trouver des gens passionnés et très volontaires en face. On a a pu développer des centres Aquatonic au Japon, à Bali, en Egypte, plus récemment en Nouvelle-Calédonie. Si on inclut nos cosmétiques, on est distribués dans une dizaine de pays, mais nous n’avons pas toujours en face de nous des centres de thalasso, plutôt des spas, voire des spas urbains, car il n’y a pas toujours les bonnes conditions pour que ça se fasse.
La qualité de l’eau de mer, par exemple. Les cultures et les marchés sont aussi très différents, notamment en Asie, au Moyen-Orient ou en Amérique du Nord, des régions dans lesquelles nous travaillons. Elles n’ont pas les mêmes approches sur la santé ou les loisirs. C’est peut être plus difficile de faire de la thalasso en Chine, avec des gens qui ne savent pas nager et qui ont une approche de l’eau différente de la nôtre…
Propos recueillis par Georges Margossian.