Pour Bernard Riac, patron du groupe Valvital, les mesures sanitaires imposées au thermalisme représentent un surcoût de 90 euros par curiste. Les acteurs du thermalisme espèrent une revalorisation des tarifs des cures dès la saison prochaine. Profession bien-être : La France a encore durci ses restrictions sanitaires. Les nouvelles mesures annoncées par Emmanuel Macron vous inquiètent-elles ?
Bernard Riac : Cela nous impacte. Tout discours alarmiste comme aujourd’hui, et sûrement à raison, fait fuir notre clientèle, qui est plutôt âgée. Nous avions déjà un rythme d’annulations important. Les gens qui avaient réservé pour des cures en octobre et novembre, même début décembre, annulent leurs cures cette année, et certains annulent pour février ou mars. Ils estiment qu’on ne sera pas sortis de l’épidémie et que, se déplacer pour une cure, cela peut représenter, pour eux, un risque.
Vos centres fonctionnent donc au ralenti ?
Forcément. Aujourd’hui, on est à 40% de ce qu’on devrait faire en ce moment. On va finir la saison avec une chute de 60% de notre activité thermale. C’est un tout, une succession d’événements. Un groupe comme Valvital a fermé quatre mois complets sur l’ensemble de ses sites. Parce que, quand le gouvernement a décidé que nous pouvions rouvrir, début juin, il a fallu plus d’un mois pour mettre en route nos installations.
Ensuite, nous avons eu une réouverture avec un effectif moindre, dû, en partie, aux gestes barrières que nous avons mis en place. Et aujourd’hui, nous avons un troisième phénomène : les annulations. C’est dû à l’ambiance actuelle mais surtout à des médecins prescripteurs qui déconseillent à leurs patients de partir en cure.
À combien chiffrez-vous les pertes d’exploitation pour le groupe Valvital ?
Avec un recul de 60% du nombre de curistes, notre chiffre d’affaires, qui s’élève, en temps normal, à 39 millions d’euros, devrait diminuer de 55% par rapport à la saison passée. En revanche, nos activités bien-être et remise en forme marchent plutôt mieux. Elles représentent environ 30% de notre chiffre d’affaires.
Ces activités vous permettent-elles d’assurer la rentabilité du groupe ?
Non, ça ne suffit pas, même si ces activités ont plutôt mieux redémarré que l’activité thermale, comme à Aix-les-Bains. Car si elles marchent plutôt bien en termes de volume d’activités, elles supportent, elles aussi, des surcoûts, de l’ordre de 1 à 2 euros par client, que nous n’avons pas répercutés sur nos tarifs.
Cet été, vous aviez indiqué que la mise en place du protocole sanitaire représentait un surcoût de 75 euros par curiste et que les marges des établissements n’étaient pas suffisantes pour le couvrir. Espérez-vous toujours qu’on revoit à la hausse les tarifs des cures ?
Aujourd’hui, on est plutôt à 90 euros, parce que ce surcoût, nous le rapportons au nombre de curistes qui viennent. Le fait que leur nombre diminue encore, cela nous augmente mécaniquement le coût par curiste. De plus, 90 euros, c’est notre dernière évaluation, à conditions que les choses ne se dégradent pas encore. Nous avons une commission paritaire avec la Sécurité sociale, au sein de laquelle nous avons commencé à évoquer ce problème. Les réunions vont se faire dans le courant du mois de novembre.
Vous êtes optimiste ?
Oui, bien sûr, car notre demande n’est pas un geste de faveur ou une aide sur des pertes que nous avons eues. On demande simplement de tenir compte du surcoût lié à des prestations qu’on nous a imposées.
Quelle revalorisation tarifaire espérez-vous obtenir ?
On va demander au moins 90, voire 100 euros, sur une cure qui est déjà facturée environ 600 euros. Je ne vois pas comment la Sécurité sociale ne pourrait pas en tenir compte. On veut une réponse avant la fin de l’année, au moment où les entreprises bouclent leur bilan. Sinon, la liste des dépôts de bilan va s’allonger. On s’attend à une hécatombe dans le thermalisme s’il ne se passe rien de plus.
Le plan Tourisme annoncé en mai prévoit de mobiliser une enveloppe globale de 3,6 milliards d’euros d’ici à 2023, dont une ligne de 300 millions d’euros destinée aux secteurs du thermalisme, de la montagne et de la plaisance. C’est suffisant ?
On ne sait pas comment ce plan va se décliner au niveau du thermalisme. Relancer l’activité, cela veut dire qu’on nous aide à repartir… Aujourd’hui, on se tourne vers les préfectures pour savoir ce qu’on peut faire, mais on n’est pas prioritaires.
Une mission sur l’avenir du thermalisme a été confiée par le gouvernement au président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme, Jean-Yves Gouttebel. Qu’est-ce que vous en attendez ?
C’est une bonne chose, parce qu’à un moment, il faut qu’on centralise toutes les questions et toutes les possibilités pour sauver la filière, dont on connaît l’importance en termes d’emplois. C’est un point de départ important pour actionner le plan de relance de nos activités. Ce genre d’études a le mérite de fixer la situation et de dresser quelques pistes de solutions.
Comment voyez-vous la reprise en 2021 ?
On se rend compte que la reprise va être lente et progressive. Aujourd’hui, on nous explique qu’on va sortir de cette deuxième vague fin mars ou au printemps. On se demande si on ne va pas retarder l’ouverture de certaines stations pour ne pas nous retrouver avec des établissements vides. Parce que, si on est toujours dans la situation actuelle, on aura un redémarrage avec 40% de curistes en moins…
Ces résultats sont-ils de nature à remettre en question les investissements que vous aviez programmés ?
Pour l’instant, on n’a pas suspendu nos projets. On espère avoir le soutien des banquiers et une trésorerie suffisante pour maintenir ces investissements.
Propos recueillis par Georges Margossian.