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Thermalisme : où en est l’évaluation scientifique des cures thermales ?

Médecine thermale : où en est-on?

Pour Profession bien-être, le Pr Christian-François Roques-Latrille, qui a présidé le Conseil scientifique de l’Association française pour la recherche thermale (Afreth) dès ses débuts, fait le point sur les études publiées depuis vingt ans.   

Professeur Roques-LatrilleLa médecine thermale est-elle efficace ? Le sujet revient régulièrement dans les médias, comme cet automne, lors des débats parlementaires sur le budget de la Sécu. Mais le temps du politique n’est pas celui de l’évaluation. Pour dépasser les controverses et les débats de circonstance, nous avons donc posé la question à Christian-François Roques-Latrille, professeur en médecine physique et réadaptation, et membre de l’Académie nationale de médecine.

Profession bien-être : L’objectif de démontrer le service médical rendu (SMR) de la cure thermale peut-il être considéré comme atteint aujourd’hui?

Pr Christian-François Roques-Latrille : Ma démarche de scientifique, c’est de faire en sorte qu’il y ait des études qui soient réalisées et qui soient de bonne qualité méthodologique. Après, la pertinence de l’évaluation par la Haute autorité de santé, c’est un problème de santé publique, qui ne relève pas de l’avis des médecins.

En ce qui me concerne, j’analyse la littérature scientifique depuis près de vingt ans et je note que des études contributives au SMR de la médecine thermale ont été publiées dans des revues internationales, dont plus de 200 essais contrôlés randomisés à facteur d’impact élevé, et qui font référence dans leurs champs médicaux respectifs.

Les réponses médicales que doivent apporter les établissements thermaux sont donc, aujourd’hui, particulièrement documentées. Le niveau de qualité des études a fait incontestablement un bond.

Quelles sont les indications pour lesquelles on a des preuves d’efficacité ?

Le principal effet, c’est le traitement de douleur chronique, qu’elle soit musculo-squelettique, neurologique, vasculaire, digestive, gynécologique, urinaire ou cutanée. Pour ces indications, on a des preuves substantielles et concordantes. On constate aussi que la cure thermale a un impact sur l’humeur, c’est-à-dire l’anxiété et la dépression. Par ailleurs, quand elle est renforcée par une éducation nutritionnelle, avec les composantes diététique et activité physique, il est montré qu’on accroît significativement l’importance d’une perte de poids.

Enfin, dernier point, dans la plupart des études, on a pu observer des améliorations de la qualité de vie, aussi bien dans des pathologies musculo-squelettiques, cutanées, comme le psoriasis, l’insuffisance veineuse chronique, le trouble d’anxiété généralisée et en post-cancer.

Qu’est-ce qu’on entend exactement par l’effet d’une cure thermale, parce que ses modes d’application sont très larges : bains, boue, boisson, cataplasme, etc. ?

La cure thermale renvoie à ce qu’on appelle une intervention complexe, puisqu’elle va associer des soins hydrothermaux multiples, la plupart du temps complétés par des soins rééducatifs utilisant l’eau minérale naturelle, c’est-à-dire des massages sous affusion ou bien de la rééducation en piscine d’eau minérale.  A cela il faut rajouter deux autres dimensions : le changement climatique et les liens sociaux.

Est-ce qu’on a une preuve que des oligo-éléments présents dans les boues passent dans l’organisme ?

On sait depuis longtemps qu’il y a des choses qui peuvent passer au niveau de la peau. Ce qui est plus intéressant, c’est qu’on a comparé – avec beaucoup d’études en double aveugle, c’est-à-dire sans en informer les patients et les thérapeutes – des bains à l’eau normale avec des bains à l’eau minérale.

Même volume d’eau, même température, même durée : rien dans l’environnement ne permettait de faire la différence entre les deux types de bains durant les essais. Ce qu’on a pu observer, c’est que l’efficacité sur la douleur était plus importante avec l’eau minérale ou les applications de boues maturées. Il existe une trentaine d’études là dessus, réalisées notamment par les Hongrois.

Malgré tout, n’avez-vous pas l’impression que la défense des bienfaits du thermalisme, sur le plan médical, ne parvient pas à convaincre suffisamment de médecins ?

Si on prend les chiffres de 2019, il y a eu 590 000 curistes. Cela veut dire qu’il y a des dizaines de milliers de médecins qui prescrivent des cures. On peut donc imaginer que la plupart des spécialistes et des généralistes – ou, en tout cas, un nombre très significatif – prescrivent des cures thermales. Est-ce qu’ils accepteraient, à l’heure actuelle, de prescrire des cures sans avoir un minimum de confiance dans l’intérêt de cette thérapeutique ? Je trouve qu’il est dommage qu’on n’entende pas ceux qui prescrivent des cures thermales.

Comment expliquez-vous qu’en France les débats autour de leur éventuel déremboursement prennent une tournure aussi passionnée ?

C’est une chose que je ne m’explique pas. Lorsqu’on parle de thermalisme, la plupart des gens ont une attitude qui devient irrationnelle, alors que, par ailleurs, dans leur vie professionnelle, ils fonctionnent de la manière la plus rationnelle. Et ceci vaut pour les contempteurs comme pour les thuriféraires ! Le discours inverse, qui consiste à dire que le thermalisme, c’est presque magique, n’est pas non plus recevable.

La réponse n’est-elle pas à chercher dans l’enseignement quasiment nul de la thérapeutique thermale dans les facultés de médecine, d’où l’absence de recherche scientifique dans ce domaine par les universités hospitalières ?

Il n’y a pratiquement plus d’enseignement de la médecine thermale. Il y a un item dans le programme de l’examen national qui porte sur la prescription d’une cure thermale. On peut, au demeurant, pour un certain nombre de maladies, où la cure thermale peut être utilisée sur des bases scientifiques recevables, réintroduire une question sur la médecine thermale.

Mais, à ma connaissance, jamais de telles questions n’ont été posées. Il y a un vrai problème d’enseignement, parce que les enseignants ne s’intéressent pas au thermalisme et ne font pas l’effort de chercher des données dans ce domaine.

Existe-t-il deux visions de la médecine aujourd’hui : l’une, plus réductionniste, tend à privilégier l’aspect mécanique de la vie, quand l’autre défend une approche plus globale de l’individu ?

Je ne crois pas qu’on puisse les opposer comme ça. Il faut prendre la vision médicale dans toutes ses dimensions, aussi bien sur le plan bioclinique que sur le plan global de la personne, ce qui correspond d’ailleurs à la définition de l’OMS : la santé n’est plus simplement vue comme l’absence de maladie, mais comme un état de complet bien-être sur le plan physique, social, psychologique, etc.

Durant les études de médecine, les étudiants et les enseignants sont, de manière prépondérante, dans une approche bioclinique, qui visent les affections aiguës, là où on perd la vie des gens. Mais pour les pathologies chroniques, c’est insuffisant : il faut être dans le modèle bio-psycho-social. Et la cure thermale est dans ce modèle. C’est pourquoi la médecine thermale, par son caractère d’intervention complexe, s’adresse à des gens qui ont des maladies pour lesquelles, la plupart du temps, les autres thérapies sont un échec. 

Propos recueillis par Georges Margossian.

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