À partir du 30 août, près de 1,8 million de professionnels seront obligés de présenter un passe sanitaire valide pour pouvoir travailler. Si son extension à toutes les entreprises «n’est pas d’actualité», a assuré le Premier ministre, le monde du travail s’interroge.
Dès lundi, les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les établissements où il est demandé aux usagers sont concernés par l’obligation de présentation du passe sanitaire, indique le ministère du Travail sur son site. Dans le détail, il s’agit des employés qui exercent dans :
– des lieux de loisirs et culturels (musées, cinémas, théâtres, salles de sport, discothèques, festivals et salles de concert, parcs d’attraction, etc.) ;
– des établissements de restauration commerciale ou des débits de boissons (hors restauration d’entreprise et restauration professionnelle routière et ferroviaire) ;
– des foires, séminaires et salons professionnels ;
– des activités de transport public de longue distance (trains, bus, avions) au sein du territoire national, pour des trajets inter-régionaux ;
– des grands magasins et centres commerciaux (plus de 20 000 mètres carrés), sur décision des préfets de département.
Cette obligation est prévue dans le cadre de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire, publiée au Journal officiel le 6 août. Et, officiellement, l’exécutif n’envisage pas de nouvelles extensions. «Au moment où je m’exprime, le passe sanitaire dans l’entreprise n’est pas d’actualité», a assuré jeudi sur RTL le chef du gouvernement, Jean Castex.
Le passe sanitaire «est un outil parmi d’autres» mais «la finalité, c’est la vaccination», a-t-il ajouté. De nombreuses questions demeurent toutefois en suspens. «Il y a tellement de situations de flous, d’inégalités entre les travailleurs, entre les entreprises que je suis convaincu que cette loi va être corrigée, et étendue à de nouvelles professions», estime Benoît Sevilla, avocat spécialisé en droit du travail, interrogé par Le Figaro.
Chez L’Oréal, seuls les commerciaux sont concernés
Le juriste cite l’exemple «des employés des restaurants d’entreprises qui ne sont pas censés présenter de passe sanitaire, même s’ils travaillent dans une entreprise soumise au passe sanitaire. Pourtant, leurs collègues de restaurants classiques sont concernés par l’obligation du passe sanitaire».
Autre incohérences : la situation des intervenants dans les entreprises soumises au passe sanitaire pour des travaux lourds, de nettoyage, de conseil, voire celle des commerciaux qui ne devront pas le présenter à leur entreprise, alors qu’ils sont dans l’obligation de le présenter dans des activités nécessaires à l’exercice de leur profession : salons, trajets en TGV, vols en avion, repas au restaurant avec des clients…
Bref, les cas de figure sont nombreux. À L’Oréal, par exemple, seule une partie des salariés est concernée par le passe sanitaire. «Il s’agit des commerciaux en lien avec les enseignes de distribution, des parfumeries ou coiffeurs installés dans les centres commerciaux, soumis à des contrôles», précisent Les Echos.
Une extension du passe sanitaire envisageable
Des contentieux avec les salariés sont aussi à craindre si les dirigeants d’entreprises font pression sur leurs effectifs, alors que leur secteur n’est pas concerné par le passe sanitaire, poursuit Le Figaro. Des salariés pourraient dénoncer des pressions psychologiques, voire du harcèlement moral. «J’alerte les entreprises que je conseille sur ce risque, lorsqu’elles ne sont pas concernées par le passe sanitaire», souligne Maître Sevilla.
Dans ces conditions, une extension du QR code à tous les salariés est-elle envisageable ? «Il y avait des garde-fous dans le droit social, mais ils ont volé en éclat avec ces mesures d’exception», explique Christophe Noël, avocat en droit du travail, également cité Le Figaro. Selon lui, il n’y aurait plus d’obstacle juridique à l’extension de cette mesure dans les entreprises.
Un point de vue partagé par les DRH. «Je ne serai pas surpris que l’obligation du passe sanitaire soit étendue. On peut imaginer qu’un bâtiment qui réunit plus 300 personnes puisse y être soumis demain, dans le cadre de loi d’urgence. C’est une possibilité, mais ce ne sera pas une politique nationale. Comme pour les centres commerciaux, cela pourrait s’appliquer en fonction du taux de contamination dans les départements», anticipe Benoit Serre, vice-président de l’association nationale des DRH (ANDRH), dans Les Echos. Une réunion serait prévue début septembre, entre la ministre du Travail et les organisations syndicales.