Même si la viande rouge a été classée «cancérogène probable pour l’homme» par l’OMS en 2015, le risque associé à sa consommation restait difficile à estimer. Une étude apporte un nouvel éclairage en identifiant un lien biologique spécifique.
En octobre 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a annoncé le classement de la consommation de viande rouge comme «probablement cancérogène pour l’homme» (groupe 2A). Les experts ont estimé qu’il existait de «fortes indications» sur les mécanismes accréditant un effet cancérogène de la viande rouge, même si l’évaluation du risque associé à sa consommation devait encore être estimée.
Question : quels sont ces mécanismes ? Car, jusque-là, si tous les scientifiques n’étaient pas persuadés de l’existence d’un véritable lien entre les deux, c’est qu’ils n’avaient pas encore identifié de quelle manière une trop grande consommation de viande rouge pouvait faire subir à des cellules une mutation génétique qui aboutirait à l’apparition d’un cancer.
Une mutation de l’ADN appelé alkylation
Jeudi dernier, une nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique Cancer Discovery, apporte de nouvelles pistes : ses auteurs ont pu identifier les caractéristiques spécifiques des dommages causés sur l’ADN par un régime alimentaire très riche en viande rouge. L’équipe de chercheurs a séquencé l’ADN de 900 patients atteints d’un cancer colorectal, sélectionnés parmi un groupe de 280 000 personnes participant à des études sur plusieurs années, incluant des questions sur leur mode de vie.
La force de cette approche est qu’ainsi les participants ne pouvaient pas savoir qu’ils allaient développer ce cancer, contrairement à un interrogatoire sur des habitudes alimentaires conduit une fois la maladie déclenchée. Au final, les analyses ont révélé une mutation spécifique, n’ayant jamais été identifiée auparavant mais indiquant un type de mutation de l’ADN appelé alkylation.
Toutes les cellules contenant ces mutations ne deviendront pas forcément cancéreuses – et elles étaient également présentes dans des échantillons sains -, mais cette mutation était associée de façon significative à la consommation de viande rouge (à la fois transformée et non transformée) avant le déclenchement de la maladie.
Plus de 150 grammes de viande rouge/jour
En revanche, elle ne l’était pas à la consommation de volaille, de poisson, ou d’autres facteurs examinés. «Avec la viande rouge, il y a des composés chimiques qui peuvent causer une alkylation», explique Marios Giannakis, qui a dirigé l’étude. Il s’agit de composés pouvant être produits à partir de fer, très présent dans la viande rouge, ou de nitrates, que l’on trouve souvent dans la viande transformée.
Cette mutation était par ailleurs très présente dans le colon distal, qui est une partie du colon dont de précédentes études ont suggéré qu’elle était fortement liée au cancer colorectal résultant de la consommation de viande rouge. De plus, parmi les gènes les plus affectés par l’alkylation, se trouvent ceux qui, selon de précédents travaux, ont montré qu’ils étaient le plus susceptibles de déclencher un cancer colorectal lorsqu’ils mutent.
Les patients dont les tumeurs présentaient le plus haut niveau d’alkylation avaient 47% de risque en plus d’en mourir. Ces seuils n’ont été constatés que dans les tumeurs de patients mangeant en moyenne plus de 150 grammes de viande rouge par jour. Pour Marios Giannakis, il ne s’agit pas d’arrêter de manger de la viande rouge : «je recommande la modération et un régime alimentaire équilibré», souligne le chercheur, également oncologue au Dana-Farber Cancer Institute, aux Etats-Unis.
Avec l’AFP.