Avec l’évolution du marché, l’opposition entre soins manuels et machines n’a plus de raison d’être, estime Laetitia Fontanel, créatrice de la méthode de soins éponyme et fondatrice du spa parisien Lovely Spa.
Profession bien-être : Ce clivage, apparu avec la vague du spa, vous paraît-il aujourd’hui dépassé ?
Laetitia Fontanel : Oui, surtout si l’on veut des soins esthétiques efficaces. Que veut aujourd’hui une cliente ? Du résultat et ne pas perdre de temps. Alors, oui, en thérapie manuelle, on obtient des résultats, mais ils sont éphémères, et il faut multiplier les séances pour prolonger les effets dans le temps. La technologie permet de renforcer les résultats. Opposer les deux méthodes est donc stupide. C’est comme si vous demandiez de choisir entre boire et manger… Les deux sont nécessaires.
J’ai un parcours classique d’esthéticienne et j’ai choisi ce métier par passion. J’ai donc été formée aux soins manuels traditionnels. Mais dès que j’ai découvert les effets des différentes machines apparues sur le marché, j’ai commencé à associer les deux pour obtenir des résultats plus probants et surtout plus rapides. Contrairement à certaines de mes consœurs, je ne pense pas que recourir aux machines relève du snobisme. Pour satisfaire nos clientes, il faut aujourd’hui proposer toute la palette des soins dont elles entendent parler. Et savoir les conseiller en fonction de leurs problèmes précis.
Tout proposer, combiner machines et soins manuels, n’est-ce pas opter pour l’hyper personnalisation ?
Absolument ! C’est en personnalisant un soin que vous atteignez deux objectifs à la fois. Non seulement vous donnez à votre cliente la sensation d’être unique, mais vous mettez également en avant votre savoir-faire de praticienne. Cela fait toute la différence ! En plus, en combinant soin manuel et technologie, vous faites gagner du temps à vote cliente.
C’est un atout inappréciable. Chaque personne étant unique, j’ai conçu un parcours de base commun, que l’on peut adapter à chaque fois à la qualité de la peau et à l’état général de la cliente. Pas question, par exemple, d’utiliser de la radiofréquence sur une femme enceinte.
Vous souhaitez aussi faire gagner du temps aussi à l’esthéticienne, puisqu’une grande partie de ces soins sont en mains libres…
Cela joue, en effet. Mais attention, soins mains libres ne signifie pas – du moins chez moi – abandonner la cliente seule en cabine pendant une demi-heure ! Car les ces soins nécessitent aussi une surveillance de la praticienne, qui doit rester à portée de main, si j’ose dire. C’est moins fatigant pour l’esthéticienne, mais elle ne peut pas s’absenter pour aller faire autre chose.
Vous êtes-vous tournée vers les machines pour des raisons de rentabilité ?
Pas seulement. La première raison a été l’efficacité. Mais le facteur rentabilité a aussi joué. La grande majorité des clientes essaieraient bien les nouvelles technologies esthétiques, mais ce qui les arrête, c’est le prix des prestations. En mariant habilement les deux, vous faites sauter ce verrou.
Notre soin personnalisé est facturé 250 euros les 90 minutes. Il intègre un massage, des LEDs, de la radiofréquence, des ultra-sons, des champs magnétiques et d’autres techniques. Si la cliente prenait tous ces soins séparément, l’addition serait de 580 euros. Et croyez-moi, elle fera vite le calcul. Elle y trouve donc son intérêt, et nous aussi.
Cette méthode a-t-elle stimulé votre rentabilité ?
Oui. Malgré les confinements, les fermetures, nous avons triplé notre chiffre d’affaires en 2020. Cela peut paraître paradoxal, mais cela prouve aussi que j’ai eu raison de mettre les machines dans la boucle !
Selon vous, une esthéticienne ne pratiquant que des soins manuels ne pourrait plus gagner sa vie ?
Ce n’est pas évident. Si elle est toute seule dans son institut, elle pourra sans doute payer ses frais et s’offrir un Smic pour gagner sa vie. Mais elle pourra difficilement développer son entreprise.
C’est un peu un cercle vicieux, non ? Parce que, justement, ce qui arrête la plupart des esthéticiennes, ce sont les investissements nécessaires à l’équipement d’un institut, et la difficulté à convaincre un banquier…
Il est vrai que, dans le passé, certains équipementiers ont pu profiter de la situation et réaliser d’importantes marges, ce qui fait que l’esthéticienne rentabilisait son matériel au moment où celui devenait obsolète. Mais les choses ont changé. Non seulement les distributeurs se sont multipliés et font jouer la concurrence, mais les prix ont baissé. Certains équipementiers vendent aujourd’hui du matériel aux normes CE à 4 000 ou 5 000 euros, pour des équipements qui étaient vendus 15 000 euros il y a encore trois ans ! Et pratiquement, tous proposent des formules de leasing ou de location quasiment sans apport.
Malgré toutes ces facilités, ce choix des équipements n’est-il pas réservé aux gros instituts ?
Non. C’est une question de conception et d’organisation. Mon spa, situé dans le XVIème arrondissement de Paris, ne fait que 80 m2, répartis sur deux niveaux.
Alors, quel est le secret de la réussite de votre méthode ?
Je n’ai pas la prétention d’affirmer que ma méthode convient à tout le monde. Elle privilégie des esthéticiennes passionnées qui n’oublient jamais l’importance de l’accompagnement de la cliente. Vous ne réussirez jamais si vous faites semblant. Et il faut aussi un peu d’intelligence et de sens de la gestion, savoir analyser ses coûts et calculer sa marge.
Si j’ai mis en avant les soins spécifiques – aujourd’hui les plus demandés -, j’ai aussi supprimé, après réflexion, les soins qui prenaient du temps sans apporter une marge suffisante, comme les beautés des mains et des pieds. J’ai également relevé les prix des épilations, car il n’était pas question de s’aligner sur les centres low cost.
En modifiant ma carte de soins, j’ai pu améliorer ma rentabilité et mettant en avant mes soins spécifiques, qui permettent à mes esthéticiennes de rester créatives et de réaliser une marge honorable. Cela exige d’être attentive et d’analyser avec soin ses prestations, mais c’est à la portée de toutes les esthéticiennes qui veulent faire progresser leur entreprise.
Propos recueillis par Siska von Saxenburg.