S’il faut retenir un point positif dans cette crise, c’est qu’il ne se passe pas un jour où l’on ne parle pas des esthéticiennes dans la presse régionale. Une place qui leur était rarement accordée jusqu’ici, et c’est tant mieux : le public découvre combien ce métier est loin des clichés !
«J’en ai marre, parce qu’on prend déjà souvent les esthéticiennes pour des cruches et là, on nous fait comprendre qu’on n’est pas utile. Quels métiers et commerces sont inutiles ? Nous sommes en 2021 et sommes des esthéticiennes inutiles et moi avec, mais je ne les laisserai jamais atteindre ma fierté», s’emporte Éloïse Cade, esthéticienne à Saint-Cast-le-Guildo (Côtes-d’Armor), citée par Actu.fr.
Sur sa vitrine, une pancarte qui en dit long sur l’amertume des professionnelles : «Pas essentiel ? Fière d’être esthéticienne». Il ne s’agit plus seulement de réclamer l’ouverture immédiate des instituts, à l’instar des salons de coiffure, mais aussi de défendre un métier, une passion, une vie. Mais les clichés et les qualificatifs péjoratifs ont la vie dure.
«Les hommes peuvent aller chez le barbier, les femmes ne peuvent pas se faire épiler. Cherchez l’erreur !», a écrit Jocelen sur la devanture de son institut à Orléans. «Je respectais toutes les consignes depuis le début : gestes barrières, masques et désinfection des mains et du matériel. Les clients des barbiers, eux, retirent leur masque pour se faire raser !», explique à France 3 l’esthéticienne, qui, comme ses collègues, cherchent à comprendre ce qui a bien pu se passer dans la tête des technocrates de Bercy.
Essentiel, pas essentiel… : des mots vides de sens aujourd’hui. Juste un tour de passe-passe administratif, alors que des millions de Français se côtoient chaque jour dans les magasins «autorisés» pour acheter des fleurs, des livres ou s’offrir un brushing. «Lorsque j’ai créé mon entreprise, il y a quatre ans, je ne me suis pas imaginé qu’un jour on me dirait : vous n’êtes pas essentielle !», s’étonne encore Marie Le Corre, gérante de «Dans ma Bulle», à Plumelin (Morbihan).
«En quoi un salon de toilettage de chien, par exemple, est plus essentiel qu’un institut de beauté ?», demande-t-elle à nos confrères de Ouest-France. Pas sûr qu’ils aient la réponse. Les esthéticiennes, elles, la connaissent depuis longtemps : «On a des personnes qui sont sur le front tout le temps avec cette pandémie et qui voudraient venir ici pour se détendre, pour prendre soin d’elles. Donc, nous sommes essentielles», résume Marlène Paumier, gérante de l’institut «Espace Beauté», à Tours (Indre-et-Loire).
« Ce mot-là devrait être banni ! »
Les clientes sont leur principal soutien. Et elles sont «furieuses», assure Christine Chesneau, responsable de l’institut «Ô Bonheur des Sens », à Ancenis (Loire-Atlantique). Selon la presse locale, elle a même décidé, avec l’aide du réseau Bellyst, de les faire participer à la mobilisation des instituts en les invitant à poser avec une affiche. Les photos seront regroupées puis envoyées auprès des syndicats.
Pour Johanna Desnos, propriétaire de l’enseigne «Johanna Institut», à La Fresnaye-sur-Chédouet (Sarthe), il fallait aller plus loin. Après avoir participé à un rassemblement en faveur des commerces non-essentiels, place de la République, au Mans, le 12 avril, elle a décidé de revenir au même endroit tous les lundis à 14 h.
Dans une interview à France Bleu, elle explique sa démarche : «J’attends beaucoup de solidarité, déjà de la part des commerçants, parce qu’il faut se serrer les coudes, surtout entre petits commerces. On est en première ligne sur le plan économique. J’attends aussi du soutien de la part de nos clients, nos salariés, collègues, nos amis et notre famille. Parce que, pour l’instant, effectivement, ça ne touche pas tout le monde dans son confort personnel. Mais dans quelques années, cette crise risque d’avoir un impact hyper important».
Ce n’est donc pas le moment de baisser les bras, soulignent ces professionnelles. «On a intérêt à être encore à bloc cet été, car ce ne sera peut-être pas le dernier confinement…», anticipe
Eloïse Cade. Et pour les futurs tours de vis, commençons par oublier ce maudit classement, prétexte à tous les sacrifices, même les plus absurdes… Vous avez dit «essentiel» ? «Ce mot-là devrait être banni, il ne devrait pas exister. Chaque métier est essentiel», tranche Johanna Desnos. A bon entendeur…