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Instituts : «Nos fermetures successives ont laissé des dégâts psychologiques»

ANNETTE GUERRIER, À LA TÊTE DE TROIS ÉTABLISSEMENTS

Alors que les instituts ont rouvert, le moral des esthéticiennes n’est toujours pas au beau fixe. Sur le terrain, les difficultés liées aux fermetures n’ont pas disparu avec le déconfinement, rappelle Anne Guerrier, propriétaire de trois établissements, en Corrèze et dans l’Indre.

ANNETTE GUERRIER, À LA TÊTE DE TROIS ÉTABLISSEMENTS Profession bien-être : Vous avez rouvert vos instituts depuis deux jours. Vous devez vous sentir soulagée ?

Annette Guerrier : Je suis heureuse de retravailler, mais je ne me fais pas d’illusions. La situation actuelle, pour un institut, c’est la triple peine ! Je résume : nous avons été confinées, donc nous n’avons pas fait de chiffre, nous avons maintenant tous les congés payés, qui ont continué à courir, à régler sous peine de ne pas avoir de personnel pour faire les soins à la réouverture, et en plus, on nous rogne le fonds de solidarité !

Ce n’est pas nouveau pour moi, puisque je suis déjà «punie» au départ : j’ai deux établissements sous la même entité juridique, donc mon indemnisation est déjà divisée par deux. Mais là, sous prétexte que nous avons fait un peu de «click and collect» pour déstocker des produits, il ne nous restera rien pour indemniser les semaines de fermeture.

La raison officielle serait de multiplier les contrôles, car il y aurait des fraudes. Je peux comprendre le contrôle et la vérification. Mais nous sommes le 20 du mois et la majorité des dossiers n’est pas encore traitée, alors qu’ils ont été demandés en début de mois.

C’est un tableau assez noir de la situation…

Comment le voir autrement ? Croyez-moi : je préférerais travailler et ne pas demander d’aide. Nous avons subi trois confinements, nous n’avons donc pas fait de chiffre. Mais ces confinements entraînent tout de même des congés payés… Des congés qu’il faudrait idéalement résorber avant le 31 mai, ce qui est impossible.

Et si les salariés veulent prendre leurs jours maintenant, nous n’aurons pas de personnel pour faire des soins. Et donc nous ne ferons pas de chiffre : la boucle est bouclée. Et je ne parle pas de mon cas personnel, car je cumule : une démission le 6 avril, avec une esthéticienne qui a changé d’orientation, et une autre en congé maladie. Résultat, il m’a fallu recruter et embaucher en plein confinement !

Comment gardez-vous le moral ?

On ne peut pas être négatif quand on a une équipe à diriger. Je garde donc le cap. Nous employons généralement des jeunes femmes passionnées par ce métier. Mais un arrêt brutal de l’activité démotive. Celles qui ont un peu moins la vocation vont changer d’orientation. D’autres vont vouloir fonder une famille et, après l’accouchement, vous demandent généralement un poste à temps partiel.

Et encore, je ne pense pas être la plus mal lotie, puisque je n’ai licencié personne et que j’ai réussi à tenir. Sans me payer, comme la plupart des chefs d’entreprise dans ma situation. Mais la trésorerie n’est pas au beau fixe et surtout, elle n’est pas éternelle.  Pour nous rétablir, il nous aurait fallu une saison minceur normale. Or, ce n’est pas le cas.

Nous avons commencé à vendre des cures minceur en mars, mais comme nous avons été fermés le 6 avril, autant dire que cette saison minceur nous n’en verrons pas les bénéfices ! Tout comme nous n’avons pas vu celle de 2020. Pourquoi nos politiques ont-ils si peu de considération pour notre métier ? Ce n’est pourtant pas un métier anodin !

Est-ce vraiment un manque de considération ?

Allons ! Les toiletteurs de chiens ont été considérés comme des métiers essentiels, mais pas nous ? On peut aller faire toiletter son chien, mais pas aller dans un institut ? Nous ne sommes pas seuls à nous interroger. Les clients ne comprennent pas non plus. Ils peuvent aller en grande surface où plus personne ne respecte les distanciations sociales, où tout le monde touche tout, mais on ne peut pas aller faire un soin dans des conditions d’hygiène maximale, sans même croiser une autre cliente ? C’est une situation absurde, au point que les clients nous tiennent un peu pour responsables. En fait, c’est à nous qu’ils adressent des reproches ! Cela fait beaucoup à supporter…

Mais la réouverture a dû stimuler la prise de rendez-vous ?

Oui, les premiers jours après la réouverture, les plannings sont pleins. Mais d’abord, ce sont surtout les rendez-vous manqués des forfaits minceur vendus en mars et non effectués en avril, et donc aucune trésorerie en vue. Ensuite, je n’ai plus de visibilité sur les semaines suivantes. Nos fermetures successives ont laissé des dégâts psychologiques. Parfois, les clientes ont simplement changé d’habitudes, et achètent leurs produits ailleurs, ou se sont mises aux produits maison. C’est comme un jeu de dominos géant. Une chute en entraîne une autre.

Vous ne voyez aucune lueur d’espoir pour la profession ?

Je fais de l’esthétique depuis mes dix-huit ans. Alors, forcément, j’aime mon métier et j’y crois. La preuve, j’ai toujours effectué des créations d’établissements, jamais des reprises d’anciens établissements. J’ai ouvert Égletons, en 2006, avec un espace parfumerie et un espace spa, puis l’institut Guinot de Tulle en 2012 et celui de Brive, au départ prévu en avril 2020, a ouvert ses portes en juin.

Je continue à croire dans le bien-fondé de ma profession. Mais j’espère que nos dirigeants vont se rendre compte un jour que nous sommes nécessaires à nos clientes, et qu’au lieu de nous considérer comme futiles, ils comprendront que nous avons aussi un rôle d’écoute et d’aide psychologique. Tout comme les coiffeurs, nous sommes les premières personnes  à qui les clientes confient non seulement leurs corps, mais aussi dans une certaine mesure, leur moral.

Propos recueillis par Siska von Saxenburg.

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