Faire une coupe de cheveux ne suffit plus dans un métier longtemps considéré comme peu valorisant. Pour l’ancien coiffeur de François Hollande, Olivier Benhamou*, créateur de la thérapie capillaire naturelle, le bien-être n’est plus une option dans la coiffure.
Profession bien-être : Le coiffeur est-il légitime dans l’univers du bien-être ?
Olivier Benhamou : C’est évident ! Nous savons tous que le cheveu joue un rôle essentiel à la fois dans la société et la vie quotidienne. Dans certains pays, les cheveux ont même un rôle social. C’est le cas du Japon, où les sumotoris ont les cheveux longs attachés en chignons en haut du crâne et les geishas des coiffures élaborées qui relèvent de la création artistique.
De tout temps, la chevelure a constitué un élément de séduction pour les femmes et de virilité pour les hommes. Cela remonte à la Bible : souvenez-vous de l’histoire de Samson et Dalila ! Dans certaines civilisations, la femme se fait couper les cheveux lorsqu’elle devient veuve, puisqu’elle n’a plus à plaire.
Aller chez le coiffeur n’est donc pas un acte anodin. Nous avons tous vécu ou assisté à des anecdotes d’accidents capillaires. Face à une coloration hasardeuse ou une frange mal coupée, une femme peut éclater en sanglots, submergée par un mal-être incontrôlable… Surtout, si elle avait déjà, au départ, un problème d’image.
Changer de coiffure, c’est donc améliorer aussi son moral ?
Cela devrait l’être en tout cas ! Coiffer, c’est donner de l’amour, ni plus ni moins. D’autant que le cheveu possède son propre langage qu’il faut savoir décrypter. Cela fait trente ans que j’exerce et, à la longue, j’arrive à percevoir une personnalité juste en touchant le cuir chevelu. Bref, le cheveu est, pour moi, ce que le marc de café ou la boule de cristal sont à la voyante !
De plus, ne nous leurrons pas : le cheveu est aussi un indicateur de santé et de bien-être. Plus le mal être est profond, plus le cheveu s’étiole et se détériore. Le plus important est alors de réconcilier votre client avec sa propre image.
Nous voici bien loin des rendez-vous des grandes enseignes de coiffure…
Oui. Mais le problème vient peut-être en partie des grands lobbys de la coiffure, très impliqués dans les centres de formation. D’ailleurs, on ne forme plus les jeunes générations de coiffeurs, on les formate. Et au lieu de les laisser développer leur intuition, leur créativité et leur relation à autrui, on tente d’en faire des vendeurs de produits. Car les marques ne cessent de sortir de nouvelles gammes, toutes plus «miraculeuses» les unes que les autres.
Or, cette logique commerciale, qui consiste à augmenter au maximum le «panier moyen» du client n’a rien à voir avec le vrai métier de coiffeur. Toute la relation de confiance que vous avez construite avec votre interlocuteur risque de s’effondrer, car, à force de lui vendre des produits «miraculeux», vous risquez surtout de le décevoir. Surtout que, dans la quasi majorité des cas, une gamme courte satisfait à tous les besoins d’un cuir chevelu !
Si l’on rapproche cette perte de confiance à la dévalorisation générale du métier de coiffeur, on explique peut-être la crise actuelle de la coiffure ?
Sans doute. Pour connaitre la valeur d’un métier, il suffit de considérer la réaction des parents, face à un adolescent qui veut devenir coiffeur ! Car leur première motivation est de voir leur enfant faire des études poussées. Je parle d’expérience. Mon propre père, quoique coiffeur, nourrissait d’autres ambitions pour moi. Il avait choisi ce métier pour nécessité et manque de choix, pour soutenir financièrement sa mère. Il rêvait pour moi d’une autre vie. Mais je n’aimais pas l’école et je travaillais mal.
Pour me punir, il me faisait venir au salon sur mon temps libre et me faisait passer le balai et laver la tête des clientes. Une punition qui n’a pas eu l’effet escompté, puisque j’ai adoré l’atmosphère du salon et que j’ai compris que j’allais devenir coiffeur ! Non par obligation, mais par passion ! Et cela n’a pas empêché mon père d’être fier de moi par la suite, lorsque je me suis établi à mon compte. Mais c’était bien des années plus tard !
À votre avis, comment valoriser ce métier et en redonner le goût aux jeunes ?
En mettant en avant, non seulement sa créativité, mais aussi les différentes activités possibles de ce métier. Le métier ne se divisent pas seulement entre les coiffeurs de salon et les «hair-stylistes» des studios et des défilés. Pour ma part, j’ai choisi la voie de la thérapie capillaire, entre soin et bien-être, une direction que certains de mes confrères envisagent aujourd’hui. Mais il y en a d’autres !
Entre ceux qui n’aiment que la technique de coupe, ceux que passionne la coloration, ceux qui privilégient les corners de coiffure rapide ou encore la coiffure itinérante ou à domicile, la coiffure comprend aujourd’hui de nombreuses spécialisations. Il y a de la place et de la clientèle pour tout le monde !
Encore faut-il revaloriser l’image que l’on se fait de cette profession…
Je vais peut-être choquer, mais je pense que la crise sanitaire, avec ses confinements et ses fermetures de commerces, a eu un effet positif sur les mentalités. Elle aura eu le mérite de faire comprendre au public que tous les soins à la personne, y compris la coiffure, étaient importants et plus seulement réservés à quelques privilégiés. En résumé, qu’il n’y avait pas de «petit» métier lorsqu’il s’agit d’apporter du bien-être.
Propos recueillis par Siska von Saxenburg.
(*) « La thérapie capillaire naturelle », Olivier Benhamou, éditions Kiwi, 20 euros.