Après quelques bonnes nouvelles cet été, l’hôtellerie française, à l’arrêt pendant plusieurs mois, va devoir affronter les conséquences sociales de l’épidémie : «un choc brutal pour ce vivier d’emplois non délocalisables», rapporte Le Monde.
«Même si le gouvernement a décidé de mettre en place un plan de relance ambitieux de 100 milliards d’euros, les nouveaux effets attendus ne se feront ressentir qu’à partir de 2021, ce qui laisse craindre une période de flottement pour cette fin d’année», anticipait à la mi-septembre le cabinet MKG pour l’hôtellerie française.
Selon le journal Le Monde, après avoir utilisé tous les recours – renoncement aux contrats saisonniers, chômage partiel, recours limité aux sous-traitants… -, les professionnels disposent désormais de peu de marge de manœuvre. «La reprise est morose, en particulier en Ile-de-France, à l’arrêt depuis six mois. Cela laisse le temps de se plonger dans les comptes et le code du travail», note le quotidien du soir.
Pour le Groupement national des indépendants (GNI-HCR), la situation est même critique. «L’hôtellerie française est en train de connaître le plus grand plan social de son histoire», s’inquiète le syndicat, dont une enquête interne, menée début septembre, conclut à un chiffre de 30 000 emplois menacés d’ici fin 2020. «Il est probable qu’un quart des postes du secteur aura disparu cette année», ajoute Le Monde.
«Avec des taux d’occupation à 20 % ou 30 % plutôt que 70 % ou 80 %, on a tapé sur tous les services : femmes de chambre, réception de jour comme de nuit, restauration. Beaucoup d’hôteliers ont repris par eux-mêmes la réception. Ce sont des licenciements économiques individuels et de petits licenciements collectifs (procédure utilisée pour licencier moins de dix personnes, NDLR) qui ne donnent pas lieu aux fameux PSE (plans de sauvegarde de l’emploi, NDLR) dont on parle dans les médias», affirme Franck Trouet, du GNI-HCR, cité par le quotidien.
Début août, le français Accor a annoncé un plan d’économies qui prévoit la suppression d’un millier d’emplois dans le monde, sur un total de 18 000. Le septième groupe hôtelier mondial (classement MKG 2020) a basculé dans le rouge au premier semestre avec une perte nette de 1,5 milliard d’euros et étudierait un projet de rapprochement avec le Britannique IHG (InterContinental, Crowne Plaza et Holiday Inn). Pour l’instant, selon Le Monde, sa filiale immobilière, AccorInvest, qui possède 319 établissements en France dans le milieu de gamme et l’économique, n’envisage pas de PSE pour le moment.
Le haut de gamme dans l’expectative
En ce qui concerne l’hôtellerie haut de gamme, «les propriétaires espèrent (…) une prolongation, au-delà du 1er novembre, de la compensation intégrale du chômage partiel», ayant la possibilité de basculer en 2021 vers un dispositif d’activité partielle de longue durée, relève le journal. Seul le groupe Constellation, propriété du Qatar, a présenté un plan social prévoyant 247 suppressions de postes sur 827 dans deux hôtels parisiens – Hyatt Regency Etoile et Hyatt Louvre – et l’hôtel Martinez, à Cannes, poursuit le journal.
Début juillet, Franck Gervais, directeur général pour l’Europe d’Accor, pointait l’explosion du nombre d’établissements de grande taille ayant ouvert depuis cinq ans à Paris et en périphérie, alors que la perspective des Jeux olympiques de 2024 a provoqué une nouvelle flambée de projets immobiliers. Plus de 150 projets étaient à l’étude ou en cours de construction fin 2019.
«La seule politique du tourisme en France, c’est d’accueillir toujours plus de touristes : or, nous avons atteint un pic, avec 90 millions de touristes étrangers en 2019. Il faut absolument un moratoire sur la construction d’hôtels», estimait Franck Laval. «Il y a déjà trop d’établissements» pour se partager «un gâteau qui s’est rétréci», mettait en garde le responsable Europe.