Après la polémique estivale sur les naturopathes, Doctolib a décidé d’exclure de sa plateforme les praticiens non référencés par les autorités de santé. Pour Catherine Aliotta, présidente de la Chambre syndicale de la sophrologie, la profession a commencé à se saisir du problème depuis plusieurs années.
Profession bien-être : Votre organisation professionnelle revendique plus de 16 000 membres. Comment réagissez-vous à la décision de Doctolib qui donne six mois à ses clients non médecins, dont des sophrologues, pour quitter la plateforme ?
Catherine Aliotta : Je ne suis pas surprise par la décision de Doctolib, qui nous a contactés à deux reprises pour nous demander d’exprimer notre position. Du point de vue des sophrologues, je comprends leur déception, voire, pour certains, leur sentiment d’injustice, parce que Doctolib leur permettait d’avoir une visibilité sur le marché qui était très importante, même si cette plateforme n’est pas le seul acteur qui recense aujourd’hui des professionnels du bien-être.
Ce sentiment d’injustice, vous le ressentez vous aussi ?
Oui, car cette décision vient, au départ, d’une polémique qui concerne les naturopathes. Le problème, c’est qu’il y a une vraie différence dans les pratiques des professionnels du bien-être, alors que, dans cette polémique, on les traite tous sur un même pied. Toutes les techniques ne se valent pas, toutes n’ont pas les mêmes risques pour les usagers, toutes n’en sont pas non plus au même stade de leur réglementation.
Plutôt que d’exclure tout le monde, Doctolib aurait donc pu se pencher sur ces risques au cas par cas. Car il est évident que, pour une technique comme la sophrologie, qui est non tactile et dans laquelle il n’y a aucune prescription de produits, être mis au banc pour des pratiques qui ne la concernent pas, il y a un sentiment d’injustice.
Comprenez-vous la décision de Doctolib ?
Je comprends que Doctolib, qui se pose comme un tiers de confiance, ne veuille pas prendre de risque, car aujourd’hui il n’y a pas de réglementation claire sur les professions du bien-être. Et je comprends aussi leur point de vue qui est d’oeuvrer pour la protection des usagers. En ce sens, je ne peux que les rejoindre, puisque c’est également le débat que nous avons à la chambre syndicale depuis longtemps.
On associe aujourd’hui la sophrologie aux pratiques sans réglementation. Est-ce vraiment le cas ?
Oui, bien sûr. Notre activité professionnelle n’est pas réglementée. Mais j’ajoute que la sophrologie est beaucoup plus avancée dans la structuration de la profession que ce qu’on peut retrouver dans d’autres techniques. Par exemple, depuis juillet 2021, il y a une norme de qualité de service qui a été publiée par l’Afnor et qui définit les bonnes pratiques de la sophrologie. Avec ce document, un client sait maintenant à quoi s’attendre quand il va consulter un sophrologue. C’est un premier pas vers la protection des usagers
Vous avez obtenu pour votre école, l’Institut de formation à la sophrologie, une certification professionnelle de sophrologue enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). En existe-t-il d’autres aujourd’hui ?
Oui, je crois qu’il existe trois organismes certificateurs qui détiennent une certification de sophrologue. En permettant de définir un certain nombre de compétences, que les professionnels doivent acquérir, ces titres apportent la preuve que la sophrologie est un vrai métier qui a une existence réelle sur le marché. Ils montrent que le bien-être n’est pas une activité farfelue.
Avec ces titres RNCP, est-ce que vous estimez qu’il existe aujourd’hui un moyen objectif de vérifier le niveau de qualification des praticiens exerçant des activités de bien-être, comme cela est possible pour les professions réglementées ?
Pour moi, il y a une grande distinction entre le diplôme et la réalité du professionnel sur le terrain. Un diplôme certifie à un instant T, à la fin de la formation, qu’un professionnel a acquis des compétences, mais cela ne garantit pas, dans l’exercice de son métier, qu’il ne risque pas d’y avoir des dérives, quelle que soit la profession.
C’est pourquoi je pense qu’il y avait moyen de mettre en oeuvre, pour Doctolib, un certain nombre de barrières de sécurité pour évaluer la qualité des professionnels du bien-être qu’il accueillait sur sa plateforme, comme, par exemple, la mise en place d’une norme qualité.
Propos recueillis par Georges Margossian.
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