Dans un rapport, la Cour des comptes se montre très critique sur le financement de la réforme de l’alternance de 2018, estimant que son succès quantitatif s’est fait au prix d’un «doublement» des dépenses.
Longtemps à la traîne sur ce sujet, la France est en train de faire sa «révolution culturelle», s’était félicitée Elisabeth Borne au début de l’année en annonçant les chiffres records de l’apprentissage en 2021, trois ans après la loi «Pour la liberté de choisir son avenir professionnel» du 5 septembre 2018.
Un rebond obtenu également sous l’effet d’un coup de pouce inédit : les aides exceptionnelles de l’État aux employeurs d’apprentis mises en place en réponse à la crise sanitaire. Cette prime – 5 000 euros pour un mineur, 8 000 pour un majeur – a rendu le coût de la première année quasi nul pour l’employeur.
Mais pour les magistrats de la rue Cambon, l’envolée du nombre de contrats est une chose, son financement en est une autre… «L’alternance connaît une impasse financière», soulignent-ils dans un rapport dédié et un référé aux ministres de l’Economie et du Travail sur la «situation financière préoccupante» de France compétences, qui finance notamment les centres de formation d’apprentis.
«Cet essor a entraîné plus qu’un doublement des dépenses associées, qui devraient atteindre 11,3 milliards d’euros en 2021, en grande partie à l’origine de l’impasse financière que connaît actuellement le système d’alternance et de formation professionnelle», déplore la Cour des comptes dans son rapport.
Ainsi, prévu à 3,2 milliards d’euros en 2021, malgré une subvention exceptionnelle de 2,75 milliards, le déficit de l’organisme régulateur de la formation professionnelle pourrait grimper à 5,9 milliards cette année. En cause, la réforme du financement conjuguée à l’explosion des entrées de jeunes en apprentissage, qui a quasiment doublé en deux ans.
Les apprentis du supérieur privilégiés
«Le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti», poursuit la Cour. En effet, depuis 2020, le financement des CFA repose, non plus sur des subventions régionales complétant les versements des entreprises, mais sur un financement au contrat, ce qui a fait augmenter le coût moyen par apprenti «d’au moins 17%», selon les magistrats.
Autre critique : si le nombre d’apprentis dans le secondaire augmente peu, c’est que les aides exceptionnelles ont «surtout concerné les formations après le baccalauréat, destinées à des étudiants pourtant moins concernés par les difficultés d’insertion sur le marché du travail que les jeunes de niveau CAP ou baccalauréat», selon le rapport.
Autrement dit, malgré son coût, le développement de l’alternance «n’apporte pas suffisamment de réponses aux jeunes en situation de fragilité, ni aux entreprises rencontrant des difficultés de recrutement», poursuivent les magistrats, qui appellent à «sécuriser les parcours en favorisant les passerelles entre voie scolaire et apprentissage» et à renforcer l’accompagnement des jeunes pour limiter le taux de rupture des contrats.
Consulter le rapport, ICI