Dix ans après son lancement, le «click and collect» a conquis la France, mais, curieusement, pas encore les instituts de beauté. La crise sanitaire pourrait changer la donne, à condition, toutefois, que l’ensemble de la filière se mobilise…
La vente en ligne avec retrait en magasin est arrivée en France sous l’impulsion de Darty, qui invente en 2009 l’expression «click and collect». Le succès auprès du public est immédiat. Bricolage, ameublement, décoration, habillement, électro-ménager, articles de sport et de loisir, chaussures, livres, cosmétiques et parfums : en quelques années, les consommateurs se convertissent massivement à ce nouveau mode d’achat en plein essor dans tous les secteurs du commerce spécialisé.
Alors que 80% d’entre eux se rendent désormais sur Internet avant d’effectuer un achat, ce dispositif permet de «flâner» en ligne, de réserver un ou plusieurs articles, puis de venir le retirer au moment de son choix. En 2018 chez Eram – soit bien avant la crise sanitaire -, un achat sur deux est réalisé en click and collect.
L’usage du e-commerce explose
Dans le secteur cosmétique, il est également devenu le fer de lance de Sephora. Dès 2012, le leader de la parfumerie sélective lance avec succès l’application MySephora. Connectée à la carte de fidélité, elle permet à chaque client(e) de bénéficier d’offres et de conseils personnalisés, de commander, et de retirer ses produits en deux heures dans le magasin de son choix.
Si le commerce en ligne progresse année après année, le consommateur reste attaché au shopping. En conciliant usages digitaux et visites en boutique, le click and collect lui offre de nombreux avantages : la possibilité de comparer et de consulter des avis en ligne, de vérifier la disponibilité des articles avant de se déplacer, d’obtenir la commande rapidement… Et, surtout, d’éviter les fameux frais de livraison qui repoussent la plupart des internautes au moment de valider leur panier !
Quant au commerçant, il profite de l’opportunité de vendre à distance sans logistique d’envoi, d’amener de nouveaux acheteurs en boutique et même de leur vendre des produits supplémentaires une fois sur place. Ainsi, plus d’une personne sur deux venues retirer une commande déclare avoir fait d’autres achats en magasin (source : Conseil International des centres commerciaux, 2020).
Avec la crise sanitaire, l’usage du e-commerce explose. Après le déconfinement, la peur de la contagion et les contraintes comme le port du masque découragent toujours les consommateurs de se promener en magasin. Selon LSA, le recours au click and collect a déjà été multiplié par deux depuis 2019, touchant désormais toutes les tranches d’âge. Fait plus significatif : une part importante de ces nouveaux usagers ont l’intention de continuer après la crise sanitaire.
Forte concurrence dans la beauté
Pour répondre à ces nouveaux modes de consommation, tous les acteurs du secteur hygiène-beauté musclent actuellement leur marketing digital. Ainsi, la grande distribution étoffe son catalogue cosmétique pour surfer sur la tendance montante du drive, tandis que la parfumerie sélective et les plateformes comme Beauteprivée.com multiplient les promotions agressives.
Et la pression n’est pas près de retomber dans les mois à venir, où chacun va essayer de consolider ses positions sur un marché tendu. A défaut de prendre le train du digital en marche, les instituts indépendants risquent donc fort de se voir un peu plus distancés par les commerces organisés en réseaux, qui misent notamment sur des nouveaux services comme… le click and collect !
L’institut de beauté n’est pas une île déconnectée des grands mouvements qui traversent la société. Or, les mutations s’accélèrent avec la pandémie. Aussi, un véritable défi se profile pour le secteur esthétique au-delà du (re)confinement : utiliser le levier du «phygital» pour faire revenir la clientèle en magasin et saisir l’opportunité historique de développer la vente de cosmétiques.
Gagner la bataille de l’attractivité
Dans les instituts, l’activité reste très centrée sur la prestation, tandis que la vente de produits peine à dépasser 10 à 15% du chiffre d’affaires. Pire : de nombreuses esthéticiennes baissent les bras, acceptant comme une fatalité que leur clientèle achète dans la distribution spécialisée ou en parapharmacie, alors que la vente est indispensable à la rentabilité de leur institut.
A l’heure où la pandémie exige d’innover, gagner la bataille de l’attractivité, de l’image et de la communication suppose donc de mobiliser les esthéticiennes, mais également les marques cosmétiques et les fournisseurs de logiciels autour du digital. Nul doute que la mise en place d’un service populaire comme le click and collect doive s’inscrire dans cet élan.
Car chaque crise crée des opportunités. Certes, l’institut de beauté, comme tous les commerces indépendants, accuse du retard sur les géants d’Internet. Mais il répond aussi mieux aux nouvelles aspirations de consommation révélées par toutes les études récentes. Ainsi en va-t-il des valeurs éthiques et écologiques qui s’affirment, telles que consommer mieux, plus sain, plus éco-responsable, etc. Mais aussi du retour en grâce du produit local.
Si la décroissance n’est pas plébiscitée, acheter devient de plus en plus un acte engagé. Selon Yougov, 60 % des Français critiquent désormais le Black Friday (+ 4 points par rapport à 2019), le considérant comme «une source de gaspillage» et dénonçant son «impact négatif sur l’environnement». Et depuis la fermeture récente des commerces dits «non essentiels», on assiste à un véritable «Amazon bashing» sur les réseaux sociaux.
A contrario, l’institut de beauté bénéficie d’une image positive de commerce de proximité et d’une offre produit de haute qualité, souvent issue du «made in France». Tout l’enjeu de la communication digitale est donc de donner plus de visibilité à cette offre, et notamment à la vente de produits, tout en proposant des services innovants et attendus comme le click and collect.
Développer une stratégie « web to store »
Le «web to store», car c’est de cela qu’il s’agit, consiste à utiliser Internet pour faire venir (ou revenir) le consommateur en magasin. Le click and collect s’inscrit dans cette stratégie, car il est démontré qu’en proposant ce service, les magasins attirent du trafic supplémentaire en améliorant leur taux de fidélisation, leur notoriété et leur référencement local.
Quand un institut active un bouton «réservation» sur sa page Facebook tout en promouvant un nouveau soin, c’est aussi du «web to store». Si le mouvement tend à se banaliser pour la prestation, il n’en est rien pour la vente de produits avec retrait en magasin, que les professionnels de l’esthétique ne développent que marginalement à travers les réseaux sociaux, leurs sites, ou via des plateformes.
Avec le (re)confinement qui s’éternise à l’approche des fêtes, certaines pourraient être tentées de s’y mettre ponctuellement, afin de booster la vente de coffrets cadeaux. Attention, toutefois, au miroir aux alouettes : la mise en place du click-and-collect n’est pas suffisante en soi pour générer des ventes !
Pour qu’un mouvement «web to store» s’engage, une véritable stratégie de communication est nécessaire, surtout lors du lancement ! Ainsi, le succès sera avant tout basé sur une publication journalière sur les réseaux sociaux, la création de newsletters à destination de la clientèle et la mise en avant de ce nouveau service sur le site web et les pages Facebook/Instagram gérées par l’institut…