Même si le spa est dans l’air du temps, passer du projet à sa réalisation est une longue route semée d’embûches. Et les pièges ne sont pas toujours évidents ! Voici un parcours fléché pour éviter les habituelles chausse-trappes.
Ça y est, vous avez pris votre décision : vous vous lancez dans le spa. Votre moral est au beau fixe, votre tonus fait plaisir à voir. Sans vouloir doucher votre enthousiasme, êtes-vous bien sûr d’avoir tout prévu ? Nous avons repéré pour vous les pièges les plus évidents, mais la liste n’est pas exhaustive !
Piège n°1. Foncer dans le brouillard
La passion, c’est bien, mais la précipitation est toujours mauvaise conseillère. Le passage au spa est une course de longue haleine et il vaut mieux perdre parfois un peu de temps dans la phase préparatoire, que de le regretter amèrement une fois votre spa ouvert. La conception pratique d’un spa comporte de nombreuses tâches peu agréables.
Prévoir la décoration, réfléchir aux soins et à l’équipement à acheter est très stimulant pour la créativité, mais ce n’est que la face émergée de l’iceberg. Il faut tout d’abord vérifier que votre local se prête bien à votre activité, se procurer les dernières réglementations pour tout lieu accueillant du public.
N’oubliez pas que depuis le 1er janvier 2011, votre établissement devra permettre à toute personne, même handicapée, d’avoir accès à tous les équipements et tous les soins. Etudiez donc soigneusement vos plans si votre établissement comporte deux niveaux (rez-de-chaussée et sous-sol, ou rez-de-chaussée avec étage) : à moins de tout doubler, il vous faudra un ascenseur.
De même, si vous décidez d’opter pour un jacuzzi, votre spa sera soumis à la législation sur les piscines publiques, avec tout ce que cela comporte de contraintes : prélèvement quotidien, tenue d’un registre, visite obligatoire de contrôle une fois par mois, etc.
Prévoyez également des espaces de rangement suffisants. Il est tentant de vouloir rentabiliser à tout prix les mètres carrés, mais lorsqu’un spa fonctionne à plein régime, des espaces de rangement trop exigus peuvent réellement freiner toute l’activité.
Piège n°2. Partir sur un concept flou
Contrairement à ce que l’on peut lire sous la plume de certains intervenants peu familiarisés avec le spa, le concept n’est pas simplement une astuce marketing. Ce n’est pas non plus une simple idée de services. Proclamer «je vais créer un spa oriental» ralliera certes les suffrages, mais ce n’est pas suffisant pour créer une offre qui attirera (et retiendra) vos futurs clients.
Si vous n’arrivez pas à formuler un concept cohérent, posez-vous la question de base : que recherchent mes futurs clients ? Car ce sont eux, en définitive, qui feront le succès de votre établissement. Le «bénéfice client» est à la base de tout succès. Quel bénéfice vos futurs clients vont-ils retirer de leur soin ? Et en quoi se différencie-t-il de l’offre de vos concurrents ?
Si vous pouvez répondre à ces deux questions essentielles, vous êtes sur la bonne voie pour trouver votre concept. Essayez ensuite de formuler votre concept dans une phrase simple regroupant à la fois le problème (ce que recherche le client), la solution (le service que vous proposez) et le bénéfice client (le bienfait qu’il retirera de votre prestation). Ce n’est pas un exercice facile, mais si vous y parvenez, vous aurez trouvé votre concept.
Piège n°3. Vouloir séduire tout le monde
Vous souvenez-vous de la fable de La Fontaine : le meunier, son fils et l’âne ? Eh bien, le spa, c’est pareil. Il faut vous faire une raison : vous ne pourrez pas attirer tout le monde. Le plus judicieux, donc, est de déterminer quelle clientèle vous désirez attirer (de préférence, celle qui se trouve à proximité) et de lui proposer une carte de soins et un environnement qui correspondent à ses attentes. C’est beaucoup plus facile dans ce sens-là, car votre concept s’adaptera automatiquement à la demande que vous aurez repérée.
En effet, si vous vous adressez à une clientèle masculine, vous allez sans doute éviter de draper votre spa dans le satin, les volants de dentelle et le chintz fleuri et plutôt privilégier une ambiance sobre et chaleureuse, dans des harmonies de couleur, allant du sable au fauve. De même, si vous espérez attirer des femmes ayant passé la quarantaine avec des soins anti-âge, vous renoncerez aux codes déco des bimbos pré-pubères… L’essentiel, ici, étant de conserver la cohérence entre le service proposé et le public que vous ciblez.
Piège n°4. Sous-estimer les différences entre institut et spa
En toute bonne foi, vous estimez que l’institut ne se distingue guère du spa. Après tout, il s’agit, dans les deux cas, d’une communion plus ou moins réussie de soins et de services. Pour vous, le spa n’est, en fait, qu’un institut de beauté haut de gamme…
Disons-le tout net : si vous êtes dans cet état d’esprit, autant abandonner votre projet de spa. L’institut et le spa sont de faux amis, qui ne se ressemblent qu’en apparence. Le spa obéit à des règles précises, rien n’y est laissé au hasard. Il exige de se débarrasser de ses anciennes habitudes et de tout reconstruire dans l’optique d’une vraie prise en charge holistique (et cela s’apprend).
Il demande un cadre dépouillé, mais raffiné, une sensation d’espace (même si le spa est petit). Il requiert surtout une rigueur et une qualité de service, souvent absentes, hélas, des établissements français. Et les clients ne s’y trompent pas. Si le service est au rendez-vous, ils se fidéliseront d’eux-mêmes.
Mais attention, tout compte : la présentation de la cabine (rien d’apparent, pas de PLV intempestive, les appareils – si appareils il y a – sagement rangés dans les placards), la présentation de la praticienne (uniforme impeccable, cheveux tirés, pas de bijoux, un maquillage discret et naturel), son attitude (prévenante et aimable, silencieuse pendant le soin) et surtout, une hygiène irréprochable.
Piège n° 5. Acheter du matériel lourd sans réfléchir
Création de spa ne rime pas forcément avec équipements lourds d’hydrothérapie ! Avant de sélectionner une baignoire de balnéo, réfléchissez à la consommation d’eau (300 litres par séance). Il en va de même pour la douche sous affusion : là encore, 300 litres par 20 minutes. Des dépenses énergétiques qui finissent par coûter cher, très cher.
Les nouveaux spas urbains récemment ouverts préfèrent d’ailleurs renoncer aux baignoires, car elles sont de moins en moins prisées par les clients, pour se tourner vers d’autres investissements (hammam, sauna IRL, sauna japonais, lit hydromassant, etc.). Donc, avant de succomber au chant de sirènes des équipementiers, réfléchissez sérieusement, chiffres en mains (prix d’achat + coût en énergie par soin) à vos achats, en sélectionnant le matériel qui s’inscrit le mieux dans votre concept. Car, encore une fois, tout doit être cohérent dans votre nouveau spa.
N’imitez surtout pas ce très chic spa d’hôtel parisien, qui n’a rien trouvé de mieux que de placer sa cabine balnéo au milieu de ses cabines de massage… Difficile d’imaginer rencontre plus malvenue entre le grondement de la balnéo en pleine action et le silence des cabines de massage !
Piège n° 6. Sous-estimer le coût des travaux
Dès que vous commencez les travaux de votre spa, répétez-vous en mantra la règle de Murphy : «Tout travail durera deux fois plus longtemps que prévu et coûtera deux fois plus». C’est particulièrement vrai pour le spa. Les deux jeunes femmes, créatrices du spa Lyhan Spa Beauté, à la fin des années 2000, en ont fait l’amère expérience. Les travaux ont absorbé en effet la plus grande partie des fonds levés pour l’ouverture de leur établissement. Une erreur d’appréciation payée cher à l’arrivée, car elles ont manqué de trésorerie tout au long de leur expérience spa. Elles ont fini par jeter l’éponge.
Moralité ? Apportez une grande précision à l’estimation de vos travaux. Attendez-vous à voir le délai dépassé (et fixez-le en conséquence), suivez votre chantier. Pensez à bien préciser vos exigences à l’architecte ou au conducteur des travaux (si possible, par écrit) : une fois les travaux terminés, il sera trop tard !
Piège n°7. Ne pas déposer la marque de son entreprise
La mésaventure de cet hôtelier qui a négligé de déposer le nom de son spa doit vous servir de leçon : le temps qu’il commande tout son linge (marqué à son nom!), ses accessoires, et commence sa communication, une autre société avait déposé la marque… Il lui a fallu changer de nom (et le déposer à l’INPI, cette fois), avant de recommander tous ses accessoires et son linge.
Vérifiez d’abord que le superbe nom que vous avez trouvé pour votre spa n’appartient pas à quelqu’un d’autre, qui serait parfaitement en droit de vous attaquer. Mésaventure arrivée à la créatrice de l’Escale Orientale, à Paris, qui avait baptisé son nouvel espace «L’Appart». Mauvaise pioche : non seulement le nom était déposé par un restaurant, mais, de plus, la marque était très proche de celle de L’appartement 217, un autre spa qui n’a guère apprécié la similitude…
N’oubliez pas de déposer également votre marque comme nom de domaine sur Internet. Car sur le Web, s’applique la règle «premier arrivé, premier servi» et votre dépôt INPI ne protège pas votre marque sur le Web. Heureusement, la jurisprudence commence à évoluer : plusieurs noms de domaine frauduleusement déposés ont fait retour à leur légitime propriétaire.
Piège n° 8. Ne pas se distinguer de ses concurrents
Beaucoup de spas se ressemblent, déplorent les néophytes. Ils n’ont pas tort. C’est souvent le fait d’un concept pas très bien ficelé que de tomber dans la banalité. Les spas qui fidélisent les clients ne ressemblent à aucun autre et ont su faire preuve d’originalité.
On ne peut confondre Caudalie, Les Fermes de Marie, Cinq Mondes ou Themae, car ils ont su trouver des concepts forts et structurés. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’ils ont tous créé leur propre ligne de soins, avant de se tourner vers la franchise ou la licence de marque.
Un spa se doit de posséder une identité propre, du caractère et de la personnalité, des éléments qui découlent tout naturellement d’un concept fort. N’hésitez en aucun cas à faire preuve d’originalité, à condition, toutefois, que cette originalité vous corresponde, et qu’il ne s’agisse pas d’un artifice marketing. Dans le monde du spa, l’authenticité est toujours payante.
Piège n°9. Engager du personnel non qualifié
Ce qui fait le succès d’un spa, c’est avant tout son équipe et les hommes (ou femmes) qui y travaillent. Confier un client aux mains pleines de bonne volonté mais encore inexpertes d’une esthéticienne en contrat de professionnalisation relève du suicide professionnel. Car c’est la qualité de son soin que le client gardera en tête. Le cadre pourra être magnifique, si dans la cabine, le soin est médiocre, le client ne reviendra pas.
Nous ne saurions donc trop vous conseiller de former votre personnel aux différentes prestations spa et surtout à une prise en charge holistique du client, qui permettra à vos salariés de deviner exactement ce dont ce dernier a besoin. Ce type de formation n’est pas encore à l’ordre du jour dans les écoles, et c’est bien dommage, car c’est avant tout la qualité du service qui fait la prestation spa.
Piège n°10. Attendre tranquillement le client
Le dernier piège est le plus dangereux. Il consiste, une fois le spa ouvert, à attendre tranquillement le client. Au risque de vous décevoir, il ne viendra pas tout seul. Car c’est à l’ouverture de votre spa que tout commence : rentabiliser votre établissement est une longue aventure, qui n’a rien d’un long fleuve tranquille ! Il vous faudra beaucoup communiquer, un budget que vous aurez évidemment prévu dans votre business plan.
Réaliser votre site Internet et en faire une machine de guerre pour communiquer est essentiel, car ce sera la première impression que vous ferez sur un client éventuel. Vous mettre en avant sur les réseaux sociaux, créer votre communauté, conclure des partenariats locaux avec d’autres commerçants constitue une deuxième étape indispensable.
Tout dépendra, bien sûr, des sommes que vous aurez allouées à votre promotion. Si vos finances ne sont pas extensibles, il existe des façons peu coûteuses de communiquer, qui vous demanderont juste de l’attention, de l’astuce et un peu de temps. Mais si vous avez la tentation de faire l’impasse sur votre budget de communication, n’oubliez pas que, pour récolter, il faut aussi savoir planter des graines…