Coiffeurs, esthéticiennes ou masseurs : la crise accélère le recours aux professionnels à domicile. Mais si la demande est aujourd’hui de plus en plus forte, ces praticiens souffrent encore d’un manque de reconnaissance, regrette Pierre André, co-fondateur de la plateforme WeCasa.
Profession bien-être : Vous avez enregistré une forte demande de rendez-vous à la suite du premier confinement. Comment expliquez-vous cet engouement pour les prestations à domicile ?
Pierre André : Nous avons enregistré au mois de mai plus de 700% d’augmentation de demandes de rendez-vous par rapport à la même période de l’année précédente. Devant l’affluence dans les salons et les instituts, beaucoup de clients ont préféré réserver un professionnel à domicile. Surtout ceux dont les enfants n’étaient pas rentrés à l’école. Nous avons même frôlé l’overdose à l’annonce du deuxième confinement, puisque, pendant quelques jours, les établissements étaient fermés et le domicile autorisé. Une situation vite rectifiée le 2 novembre.
Etaient-ce, en majorité, de nouveaux clients, qui découvraient ce type de services ?
Absolument. Ils ont trouvé plus rassurant et plus pratique de limiter leurs déplacements, d’éviter les transports en commun et d’éviter de croiser d’autres clients, malgré les règles sanitaires mises en place. Comme de notre côté, nous avions mis en place des process stricts et équipés nos intervenants de masques de protection, de gel hydro-alcoolique et de sur-chaussures, les clients se sont sentis en sécurité. Autre avantage, non négligeable : nos intervenants se déplacent 7 jours sur 7 de 7h à 22h… Une plage horaire intenable pour un salon ou un institut traditionnel.
Où intervenez-vous ? Uniquement dans les grandes villes ?
Détrompez-vous. Si effectivement WeCasa a lancé son activité en 2016 dans les dix plus grosses villes de France, nous intervenons aujourd’hui dans plus de 5 000 agglomérations. En Ile-de-France, qui reste la région la plus peuplée, nos services sont disponibles même dans de petites communes.
Mais votre clientèle cible reste tout de même les jeunes urbains connectés ?
Au début, nous avons eu une population de 25 à 45 ans, en majorité très citadines. Mais aujourd’hui nous touchons aussi les seniors. Quand ces derniers ne sont pas eux-mêmes connectés, un phénomène de plus en plus fréquent, ce sont les enfants qui commandent et réservent sur Internet pour leurs parents. Grâce au système de la plateforme, il n’y a pas d’échange d’argent sur place, ce qui constitue un facteur rassurant de plus. Depuis la création de WeCasa, en 2016, nous n’avons enregistré aucun incident.
Comment gérez-vous vos intervenants ?
Nous vérifions leurs diplômes et nous les formons à notre conception de la relation clients. Mais curieusement, la qualité est pratiquement toujours au rendez-vous. Car les professionnels à domicile, en particulier les coiffeurs, sont souvent meilleurs que leurs confrères qui travaillent en salon. Et ce, pour une raison très simple : s’ils ne sont pas bons, ils n’ont tout simplement plus de clients. Car le phénomène du bouche-à-oreille est très important. Personne ne recommande un mauvais coiffeur, surtout à domicile !
En échange, nous ne pratiquons pas de politique de rabais ou de promotion. Les clients paient le même prix que s’ils allaient en salon ou en institut. Et nos intervenants ont la garantie d’être payés, puisqu’en cas d’absence du client, ils perçoivent tout de même leur rémunération. Cette relation de confiance est très forte chez nous.
Qu’est-ce qui pousse un professionnel à travailler à domicile ?
Au départ, certainement le goût de la liberté. Et cette liberté, nous la gardons intacte. Chaque intervenant travaille aux heures, aux jours et dans les zones qui lui conviennent. Certains de nos professionnels gardent une activité partielle en institut. Mais tous ceux qui ont pris le parti de ne travailler qu’à domicile ne reviennent jamais en arrière…
Un professionnel peut-il se constituer une clientèle uniquement par le biais de votre plateforme ?
Je dirais que 95% de nos 3 000 intervenants ne travaillent qu’avec notre plateforme et leur clientèle privée à domicile. Les autres travaillent avec nous en temps partiel et continuent à exercer en salon ou en institut.
Comment voyez-vous l’avenir de l’esthétique et de la coiffure à domicile ?
La demande va être croissante. Jusqu’ici, la beauté à domicile n’avait pas bonne presse : soit il s’agissait de prestations hors de prix, réservées à quelques privilégiés, soit on considérait le professionnel de haut, comme la petite main qui venait coiffer les grand-mères à domicile. En proposant des tarifs raisonnables et des professionnels qualifiés, nous avons déjà changé la donne.
Il y a aujourd’hui 25% des esthéticiennes et des coiffeurs qui travaillent à domicile, ce n’est pas négligeable ! En fait, le domicile est une profession géniale, mais qui a besoin qu’on lui donne des lettres de noblesse. Ce sera le pari à relever en 2022. Car les clients, eux, sont au rendez-vous : depuis sa création, en 2016, WeCasa triple son chiffre d’affaires chaque année.
Propos recueillis par Siska von Saxenburg.