Un agenda bien rempli n’est pas forcément une garantie de rentabilité pour un institut ! Tout dépend de la façon dont vous avez calculé le prix de vente de vos soins. L’astuce ? Une maîtrise parfaite de vos coûts.
Devant son planning, Virginie n’est pas loin de s’arracher les cheveux. Installée près de Paris depuis deux ans, elle ne chôme pas. Ce n’est qu’il faut rattraper le manque à gagner des trois confinements qu’elle a subis lors de son début d’activité. Elle a aménagé ses plages horaires – elle commence tôt et finit tard -, elle travaille 6 jours sur 7 et attire du monde.
Ses clientes louent son efficacité. Son savoir-faire lui vaut déjà une clientèle fidèle, malgré les «stop-and-go » dus à la crise sanitaire. Seule à travailler, la jeune esthéticienne a beau aligner les rendez-vous, elle peine toujours à joindre les deux bouts. Avec près de 70 heures de présence par semaine, elle gagne chaque mois tout juste le Smic.
Virginie n’est pas la seule, loin de là. Beaucoup de praticiennes dans la même situation ont tendance à confondre chiffre d’affaires et bénéfice. Donc, quand l’institut affiche complet, tout va bien ! En fait, elles n’arrivent pas à calculer le coût réel de leurs soins, ce qui les empêche souvent d’établir un prix raisonnable. En fait, elles fixent leurs tarifs en fonction de leurs concurrents.
#1 – Additionnez les coûts directs
La première étape, c’est de déterminer le coût de tous les produits utilisés. Une ampoule supplémentaire de sérum pour un soin visage, c’est une dépense, tout comme la pulvérisation d’une brume d’éveil, les éponges, voire le nécessaire contenant les sous-vêtements jetables…
On oublie souvent le nettoyage et le remplacement du linge. Au bout d’un an, la facture peut grimper vite : soin court (30 minutes) ou soin long (180 minutes), une prestation utilise le linge de la même façon. La solution ? Le linge peut représenter 8% du cout total d’une heure. Si on rallonge sa durée avec une prestation supplémentaire, la quantité de consommables ne change pas et l’établissement augmente sa marge.
La quantité de produit utilisée au cours du soin peut aussi varier du simple au double ! On peut alors prendre des soins en monodoses, pour être sûre de ne prendre que la stricte quantité nécessaire. Des marques comme Janssen ou Phyt’s ont bâti leur réputation sur ce type de packaging.
Autre dépense souvent négligée : la rémunération… Le plus souvent l’esthéticienne ne prend pas en compte son salaire horaire, surtout si elle est seule à pratiquer les soins. En partant du principe que, même si elle n’a pas de clientes, elle coûtera toujours la même chose… Un réflexe hérité du salariat ? Toujours est-il qu’au tarif horaire chargé, cela impacte le coût du soin !
#2 – Calculez vos prix selon vos coûts
Loyer, électricité, eau, assurance, logiciel de gestion, etc. : les charges indirectes sont toutes aussi importantes à calculer. Facturées chaque mois pour l’ensemble des activités, il est parfois difficile d’évaluer comment elles impactent chaque soin. C’est de là que vient ce fameux tarif d’un euro la minute que la majorité des consultants conseillent d’appliquer.
Une méthode plus réaliste consiste à additionner toutes les charges, y compris le salaire, de votre établissement, et de le diviser par le nombre de soins qu’il est possible d’effectuer dans le mois. Prenez ensuite ce tarif horaire, rajoutez-y les frais de linge et de produit par soin, et vous aurez une idée assez précise de vos coûts.
En maîtrisant ce coût, il devient plus facile de calculer une marge raisonnable. Et vous éviterez le piège le plus évident : vous comparer à la concurrence, en particulier celle des instituts low cost sans rendez-vous. D’autant que si vous étudiez attentivement la carte de ces établissements, vous vous apercevrez très vite que les prix sont loin d’être bradés. Et que les esthéticiennes ne se réfèrent souvent qu’à certains prix d’appel.
Vous l’aurez compris : il ne n’agit pas de remplir à tout prix votre planning pour perdre de l’argent sur chaque prestation ! Au lieu de baisser inconsidérément les prix (une politique condamnée d’avance), il vaut donc mieux faire preuve d’imagination et proposer des soins différents, qui seront perçus comme plus qualitatifs et privilégieront la rentabilité plutôt que le volume d’activité.
#3 – La marge, votre véritable indicateur
Autre piège : les opérateurs extérieurs. Combien d’esthéticiennes, aveuglées par les vendeurs de coupons, se sont retrouvées au bord de la faillite, parce qu’elles n’étaient pas en mesure d’assurer les soins pré-vendus ? Attention : chaque partenaire a sa logique, mais ce n’est pas forcément la même que la vôtre !
Ils veulent faire du chiffre d’affaires, tandis que l’institut, lui, cherche d’abord à rentabiliser son activité. Premier réflexe : tenez compte de l’incidence de leur commission sur votre prix. L’opérateur vous demandera toujours de faire un effort sur le prix. Dans ces conditions, n’oubliez pas que, même pour un massage d’une heure vendu 32 euros TTC (prix relevé dans les promos des plateformes les plus agressives), il empochera une commission allant de 15% à 25%. Méfiance ! Votre marge risque de se réduire comme une peau de chagrin.
Pas convaincue ? Sortez votre calculette… Enlevez d’abord la TVA et vous obtenez un prix HT de 29,60 euros. Comptez ensuite 1,50 euros de produits (estimation basse), 3 euros de linge et le taux horaire de votre praticienne payée au Smic, soit 10,25 euros en 2021. Ajoutez-y les charges patronales, la commission de l’opérateur (calculée elle sur le prix de vente TTC).
Au final, votre marge représente environ 8 euros de l’heure, sur lesquels vous devrez payer tous les frais indirects (eau, électricité, loyer, amortissement éventuel des machines…). Bref, le seul qui gagne de l’argent dans cette histoire, c’est l’opérateur ! Donc, si le recours à la vente par coupon peut se justifier pour un besoin urgent de trésorerie, il doit demeurer ponctuel.
Enfin, dernier point : une fois votre prix estimé au plus juste, gardez à l’esprit le taux d’occupation de vos cabines. Calculez le temps que vous y passez. Pendant un soin, si vous ne parvenez jamais à respecter l’horaire prévu, notez-le. Certains établissements de luxe prévoient, pour chaque soin d’une heure, 30 minutes supplémentaires dans l’agenda. Ce n’est pas innocent.
En effet, il est fréquent que ces minutes de plus aboutissent à des prises de forfaits ou à des ventes de produits additionnels. De quoi donner un coup de pouce à son chiffre d’affaires. Mais cette fois, sans avoir de commission à reverser.