Entre salon et domicile, le rôle de coiffeur freelance constitue une troisième voie d’avenir. Interrogés par Profession bien-être, Nicolas Auber et Julien Dauger, fondateurs de La Fabrica, un salon de coiffure en co-working, nous expliquent pourquoi.
Profession bien-être : Pourquoi s’intéresser particulièrement aux freelance ?
Julien Dauger : Ni Nicolas, ni moi ne venons du monde de la coiffure. Mais nous en avons rencontré beaucoup. Et la majorité d’entre eux ne se sentaient pas à l’aise dans les salons où ils travaillaient. Ils rêvaient tous d’un endroit à eux, mais reculaient devant les frais d’ouverture d’un lieu et tout ce qu’entraine l’opération : travaux, communication, embauche de salariés…
Nicolas Auber : Surtout en période de Covid ! Le premier confinement, puis le deuxième, ont laissé des traces. Il faut se mettre à leur place : se lancer dans l’ouverture d’un lieu qui risque de se voir fermé du jour au lendemain n’a rien de réjouissant. En devenant freelance, ils limitent les dégâts en cas de problème. Du coup, la location à l’heure, à la journée ou au mois, sans engagement, devient une opportunité.
La location de fauteuil en salon n’est pas vraiment une nouveauté…
Julien : Non, mais dans un salon classique, la collaboration entre salariés du salon et free-lance qui loue un fauteuil n’est pas toujours cohérente : chacun affronte des préoccupations différentes. Cela peut devenir gênant à la fois pour les salariés, qui envient la liberté du freelance, et pour ce dernier, qui ne possède pas la sécurité d’un salaire et qui n’a pas forcément la même façon de traiter son client. Quant au propriétaire du salon, il a souvent la tentation de traiter son locataire de fauteuil comme son employé. Ce qui provoque forcément des frictions à moyen terme.
Nicolas : Si la location de fauteuil n’est pas une idée nouvelle, celle d’un espace totalement en co-working l’est ! Cette formule qui avantage les jeunes entrepreneurs permet de remédier au gros écueil de la création d’entreprise : la sensation d’isolement et de solitude. Dans un espace où tout le monde connait les mêmes difficultés, il est plus facile d’échanger et de collaborer. De plus, un point fixe permet de mieux travailler sa construction de réseau.
Certains freelances n’ont pourtant pas besoin de point fixe ?
Julien : Vous parlez des coiffeurs de studio ou de défilé, mais cela ne concerne qu’une infime minorité. Cela fait rêver, bien sûr, mais c’est un métier à part, qui démarre généralement par l’intégration à l’équipe d’un coiffeur connu, avant de se constituer un réseau et se de pouvoir se lancer à son compte.
Un coiffeur freelance doit, lui aussi, se constituer un réseau ?
Nicolas : Bien sûr. C’est là qu’un concept d’un salon de coiffure en co-working devient intéressant. En côtoyant d’autres coiffeurs dans un même lieu, on peut nouer des partenariats et développer des partenariats : un coloriste peut ainsi collaborer régulièrement avec un technicien de la coupe par exemple, chaque coiffeur exerçant ainsi sa spécialité propre.
Julien : En fait, on développe plus une émulation qu’une concurrence. En travaillant ensemble avec des personnalités différentes, les coiffeurs échangent aussi davantage et apprennent des uns des autres, dans un processus naturel.
Comment faciliter ce processus naturel ?
Julien : En débarrassant le coiffeur de toutes les tâches parasites. En louant son espace, il sait qu’il peut se consacrer pleinement à ce qu’il sait le mieux faire : son travail. Il peut accorder toute son attention à son client. Car se lancer comme freelance exige des qualités particulières : posséder un excellent relationnel, acquérir rapidement une clientèle, savoir analyser rapidement les vrais besoins du client, même ce qu’il ne dit pas d’emblée et, bien sûr – mais c’est le minimum – maîtriser parfaitement la technique !
Cela fait beaucoup de qualités requises…
Nicolas : Et ce n’est pas tout ! Le freelance est un entrepreneur en coiffure : il doit posséder des compétences en gestion, en marketing… C’est un chef d’entreprise à lui tout seul. Cela ne correspond pas forcément à tout le monde. En fait, ce qui réussissent le mieux sont ceux qui maîtrisent parfaitement la communication digitale.
Julien : Mais le plus important, c’est la résilience. C’est de savoir persévérer, malgré les périodes de flottement. Il peut se passer plusieurs jours sans rendez-vous. Il faut pouvoir passer ce cap. Surtout au début !
Pourquoi ce choix de l’espace de co-working ?
Julien : Il y a un vrai engouement du monde anglo-saxon pour le co-working. En Angleterre, le marché est beaucoup plus nature et, aux Etats-Unis, il n’y a pratiquement que des coiffeurs indépendants. Mais le mouvement est amorcé en France : nous avons repéré près de 27 000 coiffeurs freelance ! Ce qui nous a plu dans cette idée, c’est la notion de service : pouvoir satisfaire à la fois notre client, à savoir le coiffeur, et son propre client qui vient se faire coiffer. Il n’y a pas de miracle : quand le coiffeur est heureux, le client l’est aussi !
D’où l’idée d’aller au-delà de la simple location de fauteuil ?
Nicolas : Absolument. Au départ, l’idée était de procurer aux freelances le meilleur environnement de travail possible. Nous nous occupons de la logistique : linge propre mis à disposition, ménage, fourniture de produits, accueil client, tout est compris dans la prestation. Nous avons des postes de coiffage modulables, avec ou sans miroir, des espaces pour la formation.
Mais tout cela a un prix…
Julien : C’est pourquoi la formule est avantageuse pour le freelance, puisque tout est sans engagement. Il peut louer son fauteuil à l’heure, à la journée ou au mois ! Cela démarre à 15 euros de l’heure jusqu’à des forfaits illimités pour coiffeurs résidents, le tout pour un salon entièrement équipé de 320 m2 dans le quartier de l’Opéra. Au-delà de la prestation coiffure, nous avons voulu aussi favoriser l’échange entre professionnels. Ce n’est pas uniquement une affaire de location de fauteuils.
Propos recueillis par Siska von Saxenburg.
Pour en savoir plus : www.la-fabrica.fr